Le Monde des Religions n°12 - janvier février 2006
Revue de presse
En quelques lignes, l'essentiel d'une sélection* d'articles de la presse écrite
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Les athées
Le Monde des Religions - janvier février 2006 n°15 (19 pages)
Le dossier est précédé de cinq citations, habilement choisies pour laisser entendre que les athées ne sont pas aussi athées qu'ils le prétendent ou que leur athéisme est une forme de religiosité voire de religion. Exemple : "Une société d'athées inventerait aussitôt une religion." (Honoré de Balzac)
L'incroyance, une vieille histoire (Serge Lafitte)
L'incroyance a pris plusieurs formes en Occident, avec :
les sceptiques grecs (Xénophane de Colophon, Protagoras, Socrate (un "empêcheur de croire en rond"), Sextus Empiricus...
les libertins du XVIIe siècle qui "par prudence ou respect de l'ordre établi, affichaient un certain respect de la religion chrétienne, mais ne croyaient plus guère en ses dogmes."
l'abbé Meslier à qui l'on doit, pour la première fois, une profession très radicale d'athéisme et de matérialisme,
et les libres-penseurs modernes.
Mais c'est au XVIIIe siècle (le baron d'Holbach) que l'on doit l'argumentation et le contexte qui a préparé l'athéisme moderne. "La Révolution va accélérer cette déchristianisation rampante, mais sans pour autant basculer dans l'athéisme."
Les prophètes de la mort de Dieu (Frédéric Lenoir)
Avec le XIXe siècle apparaissent les premiers penseurs qui nient catégoriquement l'existence de Dieu (Friedrich Nietzsche annonce même sa mort) et considèrent que la religion est une aliénation. Ainsi pour Ludwig Feuerbach, père de l'humanisme athée, c'est l'essence même de l'homme que les religions projettent sur Dieu.
En France, Auguste Comte développe l'idée que l'humanité, dans son âge adulte, évolue vers le stade scientifique ou positif en cessant de se poser la question du "pourquoi" pour ne s'intéresser qu'aux faits et au "comment".
Karl Marx, en s'appuyant sur l'analyse historique et économique de la société, tente d'expliquer les raisons pour lesquelles l'homme a besoin des dieux et de s'aliéner à des religions. "Marx entend donc passer de la critique philosophique de la religion (Feuerbach) à la critique politique d'une société injuste qui produit de la religion parce qu'elle produit du malheur."
Sigmund Freud se base sur son expérience de thérapeute pour démontrer le caractère illusoire de la religion qui revêt une face névrotique avec le complexe paternel et une face psychotique pour parer à son angoisse.
La foi hors-la-loi (Benoît Merlin)
Certains régimes ont institué l'athéisme comme une idéologie d'Etat. Ce fut le cas de l'Union soviétique où l'Eglise a toujours été considérée comme liée au régime bourgeois précédent. Il s'en est suivi du harcèlement, des confiscations, des déportations, des exécutions, qui se sont étendues aux pays de l'Est et à l'Albanie. Le phénomène a gagné l'Asie avec la Chine, le Vietnam, la Corée du Nord, le Laos et surtout le Cambodge avec les Khmers rouges.
"Autant d'atrocités commises au nom de la raison."
Non ! La raison, comme l'athéisme, ne sont que des attitudes philosophiques. Elles ne prônent aucune action particulière à accomplir en leur nom. De tels agissements sont l'oeuvre d'idéologies ou de dictateurs qui s'en sont pris aux religions parce qu'ils y voyaient un ennemi.
Les sans-religion en France (Jean-François Barbier-Bouvet)
A partir de plusieurs sondages portant sur environ 20 000 personnes, le Monde des Religions a pu établir le profil sociologique des sans-religion en France.
Ils sont 24,5% à se reconnaître dans cette catégorie. Les catégories sont de plus en plus poreuses. Ainsi il y a 6% de croyants sans religion et 19% qui revendiquent une appartenance culturelle religieuse sans être croyants. On peut donc en déduire qu'il y a 24% - 6% +19% = 37% de non croyants !!! Mais le Monde des Religions ne va pas jusque-là. Inutile d'effaroucher ceux à qui l'on veut faire croire au retour de Dieu !
Données sociologiques :
Répartition hommes/femmes parmi les sans-religion : 55% / 45%.
Par tranche d'âge :
65 ans et + : 12,5%
50-64 ans : 18%
35-49 ans : 27%
18-34 ans : 36%
Par catégories professionnelles. Les deux extrêmes :
Cadres supérieurs, professions libérales et intermédiaires : 32%
Agriculteurs : 13%
Selon l'orientation politique :
Front National : 20%
UMP : 12%
UDF : 14%
Aucune : 24%
Verts : 36%
PS : 27,5%
PC : 45%
Extrême gauche : 37%
Il apparaît également que 46% des sans-religion avait une religion auparavant : "... la perte en ligne est considérable. L'absence de religion est aussi souvent une position acquise qu'une position héritée."
Source : compilation du critère religieux sur une année d'enquêtes généralistes du CSA (18 068 personnes) et analyse complémentaire de deux sondages spécialisés "La vie / CSA" de mars 2003 et "Bayard /CSA" de juin 2005.
On peut regretter que les résultats portent sur la non religion alors que le dossier traite de la non croyance. En outre, une analyse de l'évolution dans le temps aurait été intéressante.
L'Europe des "athées convaincus" (Yves Lambert)
Réalisée en 1981, 1990 et 1999, une enquête au niveau européen est la seule à pouvoir identifier les athées "convaincus" à l'aide d'une question explicite : "Indépendamment du fait que vous êtes pratiquant ou non, diriez-vous que vous êtes... Quelqu'un de religieux / de non religieux / un athée convaincu ?".
Pour la France, les résultats sont respectivement de 44%, 37%, 14%. La question plutôt restrictive permet cependant d'identifier le noyau dur de l'athéisme, par rapport à la question "Croyez-vous en Dieu ?" où 35% répondent non !
En 1999, il y avait en moyenne, dans les 9 pays concernés par l'enquête, 7% d'athées convaincus (5% en 1981).
Avec 14% la France se trouve en seconde position devant l'ex Allemagne de l'Est (18%), la Belgique (8%), la Russie (8%), l'Espagne (6%)... Parmi les pays ayant le pourcentage le plus faible, on trouve la Pologne (1%) et la Roumanie (1%)
Quant aux sans-religion, ils étaient en moyenne 25% en 1999, contre 15% en 1981.
En ce qui concerne les valeurs, on constate une "permissivité" plus importante quand on va des pratiquants religieux vers les athées convaincus. "De même, l'orientation politique à droite, passe de 51% à 19%, les valeurs plutôt de "gauche" sont plus affirmées, l'ouverture aux étrangers est plus grande et la propension à participer à une pétition, à un boycott ou à une manifestation augmente".
Je trouve regrettable d'appeler "non-athées", comme il est indiqué dans un tableau, les sans-religion qui ne sont pas des athées convaincus. Il y a aussi des athées qui n'ont pas conscience de l'être, ne serait-ce que parce qu'ils sont persuadés qu'athée est un gros-mot ou une maladie honteuse.
La galaxie des anti-Dieu (Eric Vinson)
C'est une nébuleuse, un "soleil noir" conceptuel et social, qui recouvre aussi bien les anticléricaux, les matérialistes, les rationalistes, les libres-penseurs, les humanistes, les laïques, autant d'étiquettes pour un athéisme qui ne dit pas son nom. En effet, pour Georges Minois, l'athéisme est une "option philosophique forte, mais personnelle, il est certes moins mobilisateur que d'autres causes plus concrètes et rassembleuses, telle la "défense de la laïcité" ou la "lutte contre l'ordre moral"."
Quelques organisations sont citées par l'article :
la Libre-Pensée, forte de cinq mille membres, qui se préoccupe avant tout de laïcité et laisse l'athéisme dans la "sphère des convictions privées".
Le Grand Orient de France, officiellement "agnostique" et "tolérant", qui "joue toujours un rôle moteur dans les luttes "laïques" d'aujourd'hui".
L'Union Rationaliste qui pourchasse les charlatans de toute sorte.
L'Union des athées, association franco-belge relativement discrète.
Les "brights", (mot lancé par des penseurs anglo-saxons, par analogie au mot "gay"). Cette dénomination permettrait d’éviter les préjugés négatifs du mot athée. L'encart sur les "Brights" se termine par un "très aimable" (!!!) : "Un exemple à méditer par les "anciens combattants" de l'athéisme à la française."
L'athéisme est aussi un principe partagé dans certains milieux intellectuels (marxistes, trotskistes, psychanalytiques, scientifiques), mais moins combatifs qu'auparavant. "Seuls les anarchistes et libertaires continuent à mener d'un même front leurs luttes propres et celle de l'incroyance."
Quelques figures de l'athéisme moderne sont citées, mais en laissant sous-entendre que les athées ont aussi leurs idoles.
Après un rapide détour par des non croyants d'extrême droite, l'article tente un ultime dénigrement de l'athéisme qui "peut donc servir de pont entre les extrêmes opposés, en donnant une certaine consistance au mythe d'une convergence "rouge-brun"."
En fin de compte, puisqu’ils représentent presque 15% de la population, les athées se retrouvent un peu partout.
Paroles d'athées
Questions réponses avec deux athées très "religieusement corrects", Régis Debray et André Comte-Sponville.
Régis Debray, parfois difficile à comprendre, est "athée, mais non sans foi ni loi". Pour lui, l'athéisme n'a d'avenir que s'il "cristallise sans tarder en un credo alternatif, d'égale consistance mythologique que celui qui l'a précédé."
André Comte-Sponville, qui croit que Dieu n'existe pas, se dit "athée fidèle" car il reste "touché" par la morale judéo-chrétienne. Il considère que l'athéisme "ouvre un espace pour que chacun puisse chercher et formuler ses propres réponses".
Contrat rempli pour les auteurs de ce dossier sur les athées (sujet piège pour une revue traitant des religions) :
Les croyants peuvent le lire en toute tranquillité et sans appréhension, il y a peu de risque qu'ils perdre la foi en le parcourant.