L'enseignement du fait religieux dans l'Ecole laïque
Ce rapport, remis en février 2002, a été réalisé à la demande de Jack Lang, ministre de l'Education nationale. Nous en proposons ici une courte synthèse et ainsi que quelques extraits importants.
Le pourquoi
Il y aurait un apparent consensus sur l'idée de renforcer l'étude du fait religieux à l'école.
"Une déshérence collective, une rupture des chaînons de la mémoire nationale et européenne"
"L'angoisse d'un démembrement communautaire des solidarités civiques"
"Tempérer l'éclatement des repères comme la diversité, sans précédent pour nous, des appartenances religieuses"
"L'effondrement ou l'érosion des anciens vecteurs de transmission que constituaient églises, familles, coutumes et civilités, reporte sur le service public de l'enseignement les tâches élémentaires d'orientation dans l'espace-temps que la société civile n'est plus en mesure d'assurer."
Et cette illustration devenue célèbre : "Comment comprendre le 11 septembre 2001 sans remonter au wahhabisme, aux diverses filiations coraniques, et aux avatars du monothéisme ?"
Les précautions pour éviter les quiproquos
"Le but n'est pas de remettre "Dieu à l'école"."
"L'enseignement du religieux n'est pas un enseignement religieux"
"La quête de sens est bien une réalité sociale [...] mais on ne saurait, pour répondre à la demande et par facilité, reconnaître aux "religions" [...] un quelconque monopole du sens."
Le scénario retenu
Le pari qui est fait : "informer des faits pour en élaborer les significations".
Le rapport Debray ne préconise pas la création d'une nouvelle matière dans un contexte de surcharge d'activité et de programmes déjà très encombrés.
"C'est donc sur les contenus d'enseignement, par une convergence plus raisonnée entre les disciplines existantes, et surtout sur la préparation des enseignants qu'il convient de faire porter l'ambition."
A propos de la laïcité
Pour Régis Debray, "la laïcité n'est pas une option spirituelle parmi d'autres, elle est ce qui rend possible leur coexistence, car ce qui est commun en droit à tous les hommes doit avoir le pas sur ce qui les sépare en fait."
Il rappelle que la laïcité, au moins en France place la "liberté de conscience" au-dessus de la "liberté religieuse", cette dernière étant plus restrictive puisqu'elle sous-entend que l'on a une religion, peu importe laquelle.
Les fondements et obligations de la laïcité doivent faire l'objet de la première leçon, montrant qu'il s'agit "d'un ordre de valeurs clairement assumées, non moins contraignantes que celles des religieux et opposables à certains d'entre eux le cas échéant."
La laïcité, c'est aussi "étendre les discours de raison au domaine de l'imaginaire et du symbolique, sans fuir devant la difficulté. Une laïcité qui esquive s'ampute."
Sans être ni "plurielle", ni "ouverte", la laïcité doit être "ragaillardie" et "réassurée" quant à ses valeurs. "Le temps paraît maintenant venu du passage d'une laïcité d'incompétence (le religieux, par construction, ne nous regarde pas) à une laïcité d'intelligence (il est de notre devoir de le comprendre)."
"La laïcité à la française constitue une singularité au niveau de l'Europe où les approches de la religion sont très variées. Il serait donc anachronique de vouloir aligner la France sur un quelconque "modèle communautaire" qui n'existe pas". Au contraire, une "démarche mieux équilibrée ou plus distanciée pourrait être regardée avec intérêt par nos voisins et amis européens" ... et nous placer à l'avant garde.
Les recommandations
Le rapport propose une douzaine de mesures concrètes, d'inégales importances.
Un rapport d'évaluation concernant les modifications apportées aux programmes en 1996.
Rétablir la cohérence, en particulier, des programmes d'histoire en classe de seconde.
Créer des itinéraires de découverte, dans le cycle central (cinquième et quatrième), des questions religieuses sous une forme concrète et personnalisée.
Des travaux personnels encadrés (TPE) dans les lycées pour aborder les thèmes sensibles, transversaux et interdisciplinaires des phénomènes religieux.
Un module "philosophie de la laïcité et histoire des religions" en IUFM destiné aux enseignants en formation initiale. "Des co-interventions [avec des représentants des religions] seraient systématisées selon les conditions locales."
Un stage national inter-académique annuel pour la formation continue.
Inscrire le thème laïcité/histoire des religions dans le Programme national de Pilotage à destination des Rectorats.
Faire de la section des sciences religieuses de l'EPHE une sorte de tête de réseau, en liaison avec les laboratoires de recherches CNRS, Universités de Paris et des régions..., pour pouvoir répondre aux demandes de formation initiale et continue.
Création d'une cellule de recherche "éducation/société, religion" (ERS) rattachée à la DES et à la DESCO.
Production par un groupe d'expert d'un ensemble d'itinéraires, de dossiers, d'outils pédagogiques destinés aux élèves.
etc.
Après avoir fait un tour d'horizon complet de la question, le rapport met en perspective le fait religieux, comme fait sociologique avec l'histoire, la géographie, les lettres, l'art...
Il tente également de répondre à ceux qui trouvent que ces propositions vont trop loin ou pas assez.
"Refuser de promouvoir une matière à part entière peut devenir un bénéfice intellectuel puisque le religieux est transversal à plus d'un champ d'études et d'activités humaines. Ce peut être, en sens inverse, un danger pédagogique, celui du saupoudrage et de la désinvolture. Il nous faut donc cheminer, dans le climat du moment, entre le trop et le trop peu."
Nota :
Le rapport de Régis Debray a été publié par les Editions Odile Jacob et le Centre National de Documentation Pédagogique.
En ligne : http://www.education.gouv.fr/rapport/debray/default.htm