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Compte-rendu de lecture :

"La sexualité selon Jean-Paul II" de Yves Semen


par Foufou de Bassan  -  26/11/2014




Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




J'ai une amie (disons plutôt une connaissance) qui est assez catho intégriste et je ne me prive pas de la taquiner sur la religion et notamment sur l'approche de la sexualité par les catholiques. Cherchant à me convaincre (la pauvre, y'a du boulot !) elle a voulu me prêter le livre "La sexualité selon Jean-Paul II" de Yves Semen. Comme je suis bonne poire je lui ai promis de le lire, ce que j'ai fait, et de lui faire un compte-rendu de mes impressions.

Voici donc ce compte-rendu de lecture tel que je lui ai donné, j'ai seulement "anonymisé" les prénoms afin de rendre toute identification impossible.

Cela m'étonnerait que Yves Semen lise un jour ce texte et cela m'étonnerait encore plus qu'il souhaite y répondre, mais si c'était le cas je pense qu'il serait honnête de la part de atheisme.free.fr de lui accorder ce droit de réponse.


Foufou de Bassan




Chère XXX


La lecture du livre que tu m'as prêté : la sexualité selon Jean-Paul II, ne m'a pas vraiment ouvert d'autres horizons. Elle m'a confirmé dans ce que je savais déjà sur la vision chrétienne de la sexualité et que je ne partage nullement. Mais la lecture de ce livre ne m'a pas été inutile car elle m'a permis de bien voir l'abîme qui nous sépare. Comme je t'avais promis de te dire ce que j'en pensais, tu m'as aussi donné l'occasion de coucher sur du papier (ou plutôt dans un fichier Word) mes idées et l'écrit a ceci de bien qu'il nécessite une réflexion plus posée que l'expression orale.

Je vais essayer dans ce qui suit d'exposer ce que je pense de ce livre, de la sexualité des chrétiens, d'exposer aussi ma vision et tu verras que le mot "abîme" que j'ai employé n'est pas un vain mot.

C'est un exercice difficile de parler de sexualité car on se découvre un peu à cette occasion. Et puis il n'y a pas ma sexualité puisque je vis en couple, il y a notre sexualité. Et il est évident que par respect pour YYY, mon épouse, j'éviterai donc les témoignages trop personnels qui par la force des choses la concernent également. J'essaierai donc de rester assez "théorique".


1 - Une vision de l'humain totalement différente

Ma conception de l'humain est totalement différente et totalement incompatible avec celle des chrétiens. A la vision chrétienne mono-dimensionnelle, j'oppose une vision tri-dimensionnelle que l'on retrouve d'ailleurs dans certaines approches orientales :

La vision chrétienne, dérivée de la vision platonicienne, positionne l'humain sur un seul axe avec l'esprit (ou l'âme) en haut et le corps en bas, d'où un éternel combat entre ces deux éléments.

Ma vision tri-dimensionnelle positionne l'humain comme l'association de trois dimensions complémentaires et non antagonistes : l'esprit + le corps + l'affectif.

Quelques justifications qui m'ont amené à cette vision :
  • On connaît tous des personnes qui ont une dimension spirituelle très forte mais qui sont incapables d'aimer, d'avoir de la compassion, de la tendresse, etc. ce sont parmi ces personnes qu'on va trouver des ermites misanthropes ou des terroristes fanatiques.

  • A l'opposé, on connaît aussi des personnes qui, comme on dit, "ne volent pas très haut" mais qui ont le cour sur la main et ont une capacité d'amour très forte. J'avoue avoir plus de sympathie pour ces derniers que pour les précédents.
Il y a donc pour moi présence d'une dimension affective qui est indépendante de la dimension spirituelle !

La dimension physique ne s'oppose pas non plus a la dimension spirituelle : quand on écoute une belle symphonie, quand on regarde un beau paysage, quand je descends une belle piste de ski, il y a bien association (je dirais même communion) entre ma dimension physique et ma dimension spirituelle, mais sûrement pas opposition !

Le plaisir est donc l'association au moins de la dimension physique et de la dimension spirituelle. Il va de soi que quand il s'agit de sexualité, la dimension affective est elle aussi fortement sollicitée.
Cette dimension affective c'est celle qui nous fait aimer : aimer des hommes, des femmes, des chiens, des fleurs, une belle musique,.

Ma vision s'oppose donc à la vision mono-dimensionnelle de l'Eglise qui voyait (et voit toujours) un combat entre le spirituel et le corporel. Le livre rappelle bien cette vision mono-dimensionnelle de l'Eglise quand il parle de "la contradiction entre les élans de notre âme . de tout ce qu'il y a de spirituel en nous et les pesanteurs de notre corps, de nos sens, de notre chair" (p 13-14).

Il y a donc une divergence de vue totale entre ces deux visions, divergence qui explique bien évidemment celle sur la sexualité.


2 - L'auteur m'a l'air un peu coincé.

J'aurais aimé avoir plus d'information sur l'auteur, Yves Semen. J'apprends qu'il a 7 enfants, ce qui m'importe peu, et qu'il enseigne dans différents organismes. Mais on apprend rien sur l'individu, son parcours.

Et puis il y a quelque chose qui m'a choqué : c'est le mot "imprimatur" sur la première page. Je t'avoue qu'en le voyant j'ai failli refermer le livre définitivement. Je ne comprends pas qu'un auteur aille demander à une autorité morale une autorisation de publier un livre ! Cela signifie que l'auteur se place volontairement en situation d'infériorité par rapport à son censeur et qu'il renonce toujours volontairement à sa liberté de pensée et d'expression. Pour moi, c'est inacceptable !

Ainsi nous ne saurons jamais les passages que le censeur a fait retirer ou modifier.

Il m'a fait bien rire quand il dit (p 97) que "même entre mari et femme, on sait qu'il est très difficile d'être avec simplicité dans un état de nudité". On se demande s'il a éteint la lumière pour faire ses 7 enfants ?.

Nous ne connaissons pas ce genre de problème et si j'ai dit que je n'allais pas trop parler de notre couple, je peux quand même dire que le budget pyjama est chez nous très très faible. !

Ça me rappelle aussi les quelques fois où on s'est baigné "à poil", seuls ou avec des amis (je ne pense pas qu'il y avait Yves Semen avec nous) ?.

Et puis cette condamnation de la nudité est d'une supériorité culturelle qui ne sent pas très bon, qui sent un peu le racisme. La honte de la nudité, qui est initiée dans la Bible, procède d'une culture des hébreux qui était totalement ignorante et irrespectueuse d'autres cultures (africaines, amérindiennes, polynésiennes .) où la nudité, avant l'arrivée des missionnaires, n'avait rien de tabou.

D'ailleurs on le sent dans tout le livre, Yves Semen est guidé par un fort ethnocentrisme.

3- JP2 peut-il parler de sexualité ?

Cela m'a beaucoup fait rire quand j'ai lu (p 37) que JP2 avait une "connaissance quasi expérimentale des tourments du mariage". JP2 n'a jamais eu de relations sexuelles (ou alors clandestines. mais je ne le pense pas) et je ne comprends pas comment il peut se permettre de donner des conseils, des opinions. Cela me fait un peu penser à ces théoriciens des méthodes ou de la qualité qui ont beaucoup lu mais n'ont jamais été dans le feu d'un projet.

Faisons une comparaison, XXX :
Tu as été mère plusieurs fois, tu as porté une enfant dans ton ventre, tu l'as senti bouger, te donner des petits coups de pieds, des petits coups de poing. Je pense que ça doit être une émotion formidable quand on le sent bouger pour la première fois. Et bien, un homme, même s'il est le plus grand professeur d'obstétrique, même s'il connaît de A à Z tout ce qui se passe dans le corps d'une femme pendant 9 mois, jamais, jamais, jamais, il ne pourra éprouver l'émotion que toi tu as vécue en sentant bouger le petit bébé en toi. Parce que cette émotion, elle est (voir mon premier chapitre) la parfaite harmonie des dimensions spirituelles, corporelles et affectives.

Donc JP2, qui ne connaît la sexualité que par la dimension spirituelle est, selon moi, complètement disqualifié pour en parler. Indépendamment de l'aspect purement "mécanique", il n'aura jamais connu l'émotion d'un premier baiser, l'émotion d'une main qui se pose sur un sein nu.. toutes ces choses si belles qui appartiennent aux dimensions physique et affective.

4 - La sexualité selon JP2

4.1 - Communion pour procréer

Comme je te disais je n'ai rien découvert de neuf dans ce livre. Il dit, si je résume que, si l'Eglise a considéré par le passé la sexualité comme un mal obligé pour avoir des enfants et pour éviter la concupiscence, sa vision a changé et l'Eglise voit maintenant l'acte sexuel comme une communion de deux personnes mariées où la procréation est la conséquence naturelle même si elle n'est pas l'objectif premier. Ceci est entièrement résumé en une phrase (p 109) : "le corps humain avec son sexe et par son sexe est fait pour la communion des personnes. Le fruit de cette communion, comme son rayonnement, est la fécondité en une autre personne".

Ce genre d'opinion me révolte, indépendamment de toute idée religieuse ou pas. JP2 exclut donc de la sexualité, puisque la fécondité est exclue :
  • les personnes stériles,
  • les handicapés mentaux qui ne pourront jamais assumer un rôle parental,
  • les femmes à qui une grossesse fait courir un risque vital,
  • et bien sûr les femmes ménopausées !!!
Il est d'ailleurs symptomatique de voir qu'aucun de ces cas n'est abordé dans le livre.

4.2 - La contraception

On retrouve les vieux poncifs sur la contraception (p 59) :
  • "S'oppose à la dignité de la femme !!!
  • Viole son intégrité par des techniques agressives et nocives pour sa santé
  • L'expose à être utilisée comme un objet !!!"
C'est complètement écourant de lire ça ! Est-ce que les femmes qui avaient 20 ou 25 enfants n'étaient pas considérées comme des objets ? ou plutôt comme des poules pondeuses ? Les pauvres femmes qui allaitaient leurs enfants pendant 2 ans ou plus car elles pensaient que l'allaitement diminuait la fécondité (ben voyons !)

Je n'ai pas compris (p 198) la contraception naturelle privée de sa dimension éthique.

Mais il devient vraiment ridicule et même malfaisant quand il dit que la contraception :
  • "Ouvre la voie à l'infidélité
  • Expose la femme à devenir pour l'homme un objet de jouissance égoïste"
Pourquoi je dis "malfaisant" ? Parce que si je peux concevoir (avec difficulté) que l'on rejette la contraception pour des raisons religieuses, je n'admets pas que l'on jette une opprobre sur ceux qui l'utilisent les accusant d'être des êtres immoraux. C'est un grand travers des religions chrétiennes ou musulmanes de considérer comme des pervers, des débauchés, des égoïstes. ceux qui ne sont pas dans leur religion, et avant tout les athées. Ceci est confirmé (p 157) quand l'auteur dit que "chrétiens et païens ne pratiquent la vertu de la même manière".

Il y a d'ailleurs une forme de mépris par l'utilisation du mot "païen".

Et puis Yves Semen a encore une vision antédiluvienne de la sexualité féminine quand il parle de "objet de jouissance égoïste". Il voit encore le rôle actif pour l'homme et le rôle passif pour la femme qui subit, il oublie (ou ne sait pas) que la femme aussi peut avoir des envies, des désirs, des fantasmes et bien sûr du plaisir. Sans entrer dans des descriptions trop pornographiques, je lui signale qu'il existe des positions où c'est la femme qui "mène le bal", où c'est en quelque sorte elle qui fait l'amour à l'homme.

De tous les temps, il y a des hommes gros beaufs machos qui ont considérés les femmes comme "un objet de jouissance égoïste" et ça date bien avant de l'arrivée de la pilule, ce n'est pas elle qui a changé la mentalité. Il en est de même pour l'infidélité. La Bible notamment nous dit que David baisait à tous vents et à son époque il n'y avait pas de pilule !

4.3 - Vision de l'homme et de la femme

Il prétend (p 95) qu'il y a une différence "spirituelle, affective, psychologique". Il condamne la vision de l'ONU qui voit dans le "rôle" de la femme le résultat d'une culture.

Je suis tout à fait d'accord avec l'ONU, l'auteur oublie vite (encore son ethnocentrisme) qu'il existait d'autres cultures que la culture "méditerranéenne" où les femmes avait des rôles très différents, où existait le matriarcat, la polyandrie.

S'il y a des différentes physiques évidentes, il est scandaleux de lire qu'il y a des différences psychologiques entre hommes et femmes, alors qu'il y en a entre chaque humain. Entre l'affirmation de ces différences psychologiques et l'opinion que les femmes sont plus douées pour ceci, moins douées pour cela, la frontière est très mince et fait bondir le féministe que je suis.

C'est avec ce genre d'argument nauséabond que l'on cantonne encore les femmes dans des rôles subalternes dans les entreprises, que Hitler cantonnait les femmes aux 3 "K" : Küche, Kirche und Kinder (la cuisine, l'église et les enfants), que certaines sociétés humaines considèrent encore la femme comme une esclave.

Enfin, à plusieurs endroits, Yves Semen exprime son mépris pour les "féministes" qui veulent s'affranchir de la domination biblique de l'homme. Il a du mépris pour les féministes ? Moi j'ai de l'admiration ! Bravo et merci Madame Simone Veil !

Décidemment, Yves Semen s'inscrit bien dans la continuité de (saint) Paul qui disait que la femme devait être soumise à l'homme et lui interdisait d'enseigner.

4.4 - Le mariage

Je n'ai pas grand-chose à dire, simplement une petite citation de Baudelaire :
"Ne pouvant pas supprimer l'amour, l'Eglise a voulu au moins le désinfecter, et elle a fait le mariage"

Bon, je suis marié ! Mais le mariage exposé dans le livre me paraît bien aseptisé !

5 - La sexualité selon Moi

Il y a des points que je partage avec la vision chrétienne :
  • ne pas considérer l'autre comme un objet dont on profite,
  • l'acte sexuel est un don.
Ces points ne découlent pas d'une vision chrétienne, ils découlent d'une vision humaniste et féministe (excuse le pléonasme : on ne peut être humaniste sans être féministe) et les chrétiens n'ont absolument pas le monopole d'une morale de respect de l'autre. Je dirais même que le respect de la sexualité de l'autre, de ses envies, de ses plaisirs. n'est pas une invention chrétienne mais a été plutôt promu par la vision "soisante-huitarde", le mouvement hippie (make love not war) qui considérait l'homme et la femme comme égaux dans la relation sexuelle, qui considérait que la femme avait droit au désir et droit au plaisir.

La sexualité humaine telle que je la conçois est donc une élévation de l'Humain bien au-dessus de la sexualité animale purement reproductive et qui caractérisée par :
  • un don réciproque de tendresse, de plaisir (je ne vais pas utiliser le mot "orgasme" que je trouve laid et même vulgaire),
  • une communion des partenaires dans une intimité où toute frontière est abolie (c'est pour ça que je trouve les propos de l'auteur sur la nudité complètement ridicules),
  • un respect pour l'autre dans la prise en compte de ses désirs, ses envies, son plaisir.
Cela n'a donc rien à voir avec la procréation pour laquelle quelques secondes suffisent et où le plaisir est totalement inutile !

Ce qui caractérise la sexualité animale c'est que la plupart des animaux n'ont de sexualité qu'à des fins purement reproductives à tel point que pour certaines espèces, la reproduction signifie la mort pour le mâle ou pour la femelle à la fin du processus de ponte.

Dire que la sexualité sans procréation est une attitude "animale" est donc totalement inepte car au contraire la plupart des animaux n'ont que cet objectif de procréation.

Chez certains animaux "supérieurs" (bonobos.) la sexualité (y compris l'homosexualité) est envisagée comme un comportement social, peut-être comme un témoignage de tendresse, d'amitié ou d'amour mais comme je me garderai bien de tout anthropomorphisme, je n'irai pas affirmer que ces mots ont le même sens pour les bonobos (ils n'ont déjà pas le même sens pour tous les humains !). Une chose est sûre : chez les bonobos la sexualité est indépendante de la reproduction !

Donc pour moi l'acte sexuel est totalement indépendant de la reproduction. Et je pense, au risque de choquer, que cette disjonction est un signe de l'évolution et de l'élévation de l'Humain. Les animaux copulent pour se reproduire, les Humains font l'amour !

6 - Conclusion

Je ne vais pas te mentir, XXX, mais ce live m'a laissé un goût amer, je dirais même une sorte de dégoût. J'accepte qu'il expose une position qui n'est pas la mienne mais je n'accepte pas que l'auteur cherche à salir, mépriser, ceux qui ne pensent pas comme lui, qu'il cherche à imposer une supériorité culturelle de tradition biblique donc hébraïque donc ethnocentrique à l'ensemble de l'humanité. Cela a sans doute eu des conséquences sur la virulence de certains de mes propos.

J'aurais aimé aussi voir une justification plus philosophique de ses positions sur la sexualité. J'ai surtout trouvé des justifications traditionalistes (La Bible, la tradition hébraïque) alors que j'essaie d'appuyer ma vision sur une philosophie qui procède d'un humanisme hédoniste :
  • l'humain n'est pas condamné à être un pauvre hère englué dans le péché originel et dont le seul salut va venir d'un Dieu, il peut lui même devenir Humain (avec un "H" majuscule) libre
  • né du hasard et devant redevenir néant à ma mort, je profite de ces quelques années de vie sur terre pour être heureux, pour apporter du bonheur à tous ceux que j'aime, et pour semer les graines d'humanisme qui vont modestement aider à ce que "h" de humain devienne "H".
  • la sexualité est pour moi la manifestation suprême de l'amour
  • et puis aussi FEMME = HOMME !!!! semblables dans l'amour

J'ai lu des livres sur différentes religions, le bouddhisme par exemple, qui m'ont apporté un grand bol d'air frais. Je suis désolé de te dire que ce n'est pas le cas avec ce livre. J'en suis sorti un peu avec l'impression de sortir d'une prison.





PS : Mon CR est basé sur l'édition initiale de 2004 mais j'apprends en consultant Internet qu'il y a eu depuis une réédition avec donc une pagination différente. J'y apprends aussi que Yves Semen a eu un huitième enfant, il l'a encore fait dans le noir ?

Foufou de Bassan



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