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Réfutation de la preuve
par le consensus universel

L'argument ad populum


par Albert Crispin  -  06/04/2015




Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




Nous pouvons sommairement présenter la preuve par le consensus universel comme suit : "Toutes les civilisations ont cru en l'existence de quelque chose de divin, ce qui prouve bel et bien que des choses divines existent".


1. Avant de le réfuter, il est nécessaire de bien cerner cet argument afin d'en comprendre le sens et les implications.
  1. Tout d'abord se pose la question suivante, est-ce que toutes les civilisations, ont vraiment eu une croyance ? L'apologiste, sur qui repose la charge de la preuve, devra démontrer que ce fut le cas pour chaque civilisation.

  2. Mais une fois mieux examiné, nous nous rendons compte qu'il s'agit d'un argument qui s'appuie sur l'avis de la majorité. En effet, il est impossible que chacun croit ou ait cru en Dieu : comment expliquer la présence d'athées et d'agnostiques dans ce cas ? Quand bien même toutes les civilisations auraient crus en quelque chose de divin, cela ne prouve pas que tous les individus qui la composent croyaient (ou croient) en quelque chose de divin !

2. Nous comprenons dès lors que l'argument n'est rien d'autre qu'un sophisme nommé l'argument ad populum. Il s'agit d'un argument d'autorité selon lequel une idée ou une affirmation serait acceptée comme vraie parce qu'un nombre important de personnes la considère comme vraie.
  1. Notre expérience confirme qu'il s'agit d'un argument fallacieux. Une majorité de gens ont autrefois cru que la terre était plate... Ce que nous savons faux aujourd'hui ! La majorité est donc loin de constituer une autorité compétente pour discerner le vrai du faux, aussi imposante est-elle.

  2. Certains apologistes refusent d'admettre que leur argument tient du sophisme et affirme que ce n'est pas comparable parce que l'exemple précédent (ainsi que les autres exemples possibles) ne concerne que les sens et la perception des choses.

      B.1. Qu'est-ce qui est entendu par la notion de sens et de perception ? En quoi Dieu ne relève pas des sens ou de la perception ? Ces termes doivent être avant tout clarifiés.

      B.2. Même si Dieu ne relevait ni des sens ni de la perception, en quoi cela rendrait l'argument valide ? La charge de la preuve repose sur l'apologiste, qui devra prouver que cette distinction rend l'argument valable en tant que preuve et non simplement en tant qu'hypothèse.

      B.3. Enfin, l'argument ad populum contribue à rendre la vérité dépendante de l'opinion ou de l'avis d'une majorité de personne. Mais une question se pose : quelque chose de divin existe parce qu'une majorité de gens le pense ou une majorité de gens pense que quelque chose de divin existe parce que cette chose existe ?

      • Dans le premier cas, cela signifierait que cette chose divine a besoin qu'une majorité de gens pensent à elle pour exister : cela voudrait dire que cette chose ne détient pas son existence par lui-même et est causé par l'esprit des Hommes. Ce ne serait que pure invention (ou plutôt illusion) de ceux-ci.

      • Dans le second cas, l'argument sous-entend que le fait qu'une majorité de gens croient en quelque chose de divin est un signe de son existence. Dès lors, on peut reprocher à l'argument de commettre le sophisme de l'affirmation du conséquent (voir le point 3 ci-dessous) et peut-être même de commettre l'argument ontologique.

3. Ainsi, en adoptant la seconde hypothèse proposée au point 2.B.3, les apologistes considèrent qu'une majorité de gens pense que quelque chose de divin existe parce que cette chose existe. Mais ce faisant, ils commettent un nouveau sophisme nommé l'affirmation du conséquent qui peut être énoncé ainsi :
  1. Si P alors Q (S'il pleut le sol est mouillé).
  2. Q (Le sol est mouillé).
  3. Alors P (Donc il a plu ; ce qui rend cet argument fallacieux est le fait qu'il ne tient pas compte du fait que le sol peut être mouillé autrement que par la pluie).

Un argument de ce type n'est en réalité valide que lorsque P est la condition nécessaire pour qu'apparaisse Q et que cela ne soit donc pas possible autrement. Or dans notre cas, plusieurs hypothèses pourraient expliquer la raison pour laquelle les gens croient (ou ont cru) en l'existence de Dieu :
  • Le milieu social et familial qui a un impact important dans les conceptions, croyances et points de vue des individus (surtout les enfants, fortement influençables) mais s'il s'agit d'un cas général et non d'un principe se voulant absolu. On invite d'ailleurs le lecteur à se renseigner sur les travaux du sociologue Pierre Bourdieu et au phénomène de "polarisation" des sociétés.

  • L'influence que peut (et a pu) exercer des personnages célèbres s'avérant être croyants.

  • L'influence et le pouvoir que détiennent des autorités religieuses dans une société donnée (comme celui de l'Eglise au Moyen Age).

  • La peur de l'inconnu, la crainte d'admettre son ignorance et le besoin de comprendre certains phénomènes qui nous sont inexpliqués (mais pas forcément inexplicables ! ) : il s'agit du célèbre argument du Dieu bouche-trou ou "God of the gaps" consistant à attribuer au divin (ou au surnaturel) ce qui n'a actuellement pas d'explication unanime (comme par exemple l'origine de la conscience ou celui de l'univers).

  • Le vécu d'expériences suffisamment étonnantes que l'on a rapidement tendance à associer au paranormal et au surnaturel quand bien même une explication scientifique et psychologique serait plus vraisemblable (comme le cas des "EMI" ou "Expériences de mort imminente", dont l'explication a déjà été fournie par divers scientifiques).

  • Le besoin et l'envie que le monde ait un sens, qui se reflète via des questions de type : "Pourquoi y a t-il quelque chose plutôt que rien ? " ou "Pourquoi le monde est si complexe et si beau ? ". Questions au demeurant fort trompeuses puisque présupposant qu'il doit forcément y avoir une réponse à celles-ci et qui de surcroit est Dieu ; alors qu'une réponse honnête serait : "je ne sais pas, je ne sais pas non plus s'il y a une réponse et je ne sais même pas si cette question a grand intérêt". Mais l'absence de réponse à ce genre de question pouvant entraîner des angoisses chez certains, il est plus aisé de répondre par "Dieu".

  • Dans la même lignée : le besoin de réponses aux grandes questions existentielles de la vie : "Qui suis-je ?", "Où vais-je ?", etc...

  • La crainte qu'il ne puisse rien y avoir après la mort ; le néant.

  • L'envie et l'espoir d'une justice supérieure infaillible récompensant les "bons" et punissant les "mauvais".

  • Le besoin de valeurs clairement définies, comme les valeurs morales (ce qui est bon et mauvais) et ce, que ces dernières existent effectivement ou non. Sans de tels repères, certains seraient perdus et confrontés à certaines craintes existentielles.

  • Le besoin psychologique d'avoir un protecteur, maître, père, grand-frère qui soit supérieur, aimant et qui veillerait sur nous.

4. Enfin, un sérieux problème dans l'argument est la multiplicité des religions.
  1. Raisonnons par l'absurde en admettant que l'argument ad populum est valide.
    Il y a plus de croyants que d'athées ou d'agnostiques, ce qui est selon les apologistes un signe de l'existence de Dieu. De la même manière, nous constatons qu'il y a plus de non-croyants d'un courant religieux donné que de partisans de ce courant. Ainsi, cette croyance est forcément fausse selon cette même logique. Par conséquent si Dieu existe, alors il ne correspond à aucun des grands courants religieux connus (puisqu'il y a plus de non-croyants d'un courant religieux donné que de croyants).

    Mais ce n'est pas tout : si Dieu nous est inconnu, cela ne résout pas le problème puisque chaque vision ou conception de Dieu est alors personnelle et donc forcément minoritaire (et par conséquent, fausse). De plus, si au vu de notre explication nous admettons que Dieu nous est "inconnu" (autrement dit qu'il ne peut être identifié à celui d'une religion en particulier), ce qui n'est clairement pas l'opinion majoritaire, alors cela reviendrait à considérer qu'une majorité de personnes se soient trompées en ce qui concernent leur croyance en Dieu (car croyant en un dieu spécifique et "connu") et donc indirectement d'admettre que la majorité n'a pas toujours raison (ce qui contredirait les fondements même de l'argument).

    Bref, en raisonnant par l'absurde avec ce genre de logique on arrive nécessairement à des contradictions.

  2. D'ailleurs, la multiplicité des religions est un argument en faveur de la non-croyance et non de la croyance.

    En principe, toute religion prétend détenir la vérité, avoir raison et ne pouvant se tromper. Or, le fait est qu'il existe plusieurs religions et donc plusieurs "vérités" pouvant être contradictoires ; alors que la vérité n'est qu'une. Par conséquent, une religion donnée doit nécessairement considérer les autres comme étant fausses.

    Chacune des religions estimant et clamant posséder la vérité, nous ne pouvons en conclure qu'une des religions doit forcément être vraie au détriment des autres. Au contraire, il est tout aussi (voir bien plus) logique de supposer, puisque chacune d'entre elles affirme avoir raison, qu'aucune d'elles n'est en réalité vraie.


Albert Crispin



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