Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.
Le péché originel
Dans l'histoire du Paradis terrestre[1], les héros - ADAM et EVE - peuvent manger des fruits de tous les arbres sauf un, l'arbre de la connaissance, auquel ils ne doivent pas toucher sous peine de mort. Bien entendu, ils vont transgresser et le Créateur ne peut l'ignorer, lui qui les connaît comme s'il les avait faits, ce Dieu infiniment sage, qui lit l'avenir et inspire à l'occasion des prophètes. Il sait qu'avec l'ineffable naïveté qu'il leur a insufflée, ils sont prêts à croire le premier démon venu. Il sait qu'il les a fabriqués fragiles, influençables, soumis ingénument, c'est-à-dire prêts à suivre le conseil du dernier qui aura parlé. Il sait bien qu'ils ne feront pas le poids face au Malin. BARBE-BLEUE, lui aussi, sait bien - grâce à ses expériences antérieures - que le piège fonctionne à tous les coups et qu'il aura, une fois encore, un bon prétexte pour mettre à mort sa nouvelle épouse. A y regarder de plus près, il est infiniment moins dur puisqu'il se contente de mettre à mort, tandis que le Père Céleste en profite pour mettre en place des châtiments terrestres et des châtiments éternels non seulement pour les coupables eux-mêmes mais aussi pour tous leurs descendants, les souffrances terrestres les plus insupportables n'étant - parait-il - que douceurs auprès de ce qui nous attend dans l'au-delà.
L'histoire du Paradis Terrestre, on peut la rejouer aussi souvent qu'on veut : Pour cette reconstitution du crime (le premier crime connu de l'histoire des hommes) vous installez dans une cuisine spacieuse, ou mieux dans un jardin d'hiver, deux enfants de 3 ou 4 ans épanouis et gentils comme des anges ; vous vérifiez qu'ils n'ont pas encore goûté, qu'ils n'ont pas été antérieurement terrorisés par un dressage à la baguette et vous posez sur des guéridons douze minuscules pots de confitures différentes préparées par la plus exquise des grand'mères. Vous annoncez aux enfants qu'ils peuvent manger de toutes les confitures sauf celle qui se trouve dans le pot en forme de pomme. Vous les prévenez que s'ils en mangent, vous les enverrez en pension. Comme la menace de la pension est aussi abstraite pour eux que la menace de mort pour ADAM et EVE, elle sera de peu de poids lorsque vous étant retiré, vous ferez entrer l'adolescent chargé du rôle du malin démon. Si vous aviez besoin d'un prétexte pour vous débarrasser de ces petits mignons, il ne vous reste plus qu'à patienter un moment avant de revenir pour le constat.
Avant même de créer l'homme, Dieu savait déjà toutes les souffrances terrestres et infernales qu'il allait pouvoir s'offrir en spectacle et qui lui permettraient enfin de sortir de son éternel et parfait ennui. Il avait annoncé la mort en cas de transgression mais au lieu de respecter son engagement, il a trouvé plus distrayant de condamner les hommes à vivre, en les équipant psychologiquement et physiquement de façon à ce que la maladie, la misère, l'injustice et la haine soient leur pain quotidien dans les siècles des siècles. Quand on tient absolument à avoir des créatures totalement soumises, on les crée de manière à ce qu'elles le soient, ou alors on ne sait pas ce qu'on veut. Quand le potier constate un grave défaut dans la cruche qu'il vient de fabriquer, s'il n'est pas lui-même fêlé, il renonce à l'utiliser et mobilise son habileté pour en créer une plus belle, plus conforme à ce qu'il en attend. Celui qui décide de punir la cruche devrait d'urgence consulter. Mais mon image est irrévérencieuse, car elle renvoie à un être imparfait qui ne réussit pas à tout coup et qui ne sait par avance avec certitude quel air aura le prototype. Si par contre, nous imaginons un être parfait, capable de créer des êtres à son image[2], capable de savoir ce que sera leur avenir, ne peut-on en conclure qu'il a voulu les humains tels qu'il les a faits ? On dit volontiers qu'on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. Peut-être Dieu a-t-il pensé que s'il faisait des hommes angéliques, il s'ennuierait.
Pour punir cet ADAM qui n'était déjà pas particulièrement bien équipé sur le plan éthique, Dieu a décidé de doter ses descendants de diverses "inclinations vicieuses" et de les livrer, dès leur plus jeune âge, aux assauts permanents des démons dont le catéchisme nous dit que leur intelligence est très supérieure à celle des humains. Dans les combats de boxe dont la moralité n'est pourtant pas d'une très haute exigence, les organisateurs évitent d'opposer un poids lourd à un mi-mouche . En obligeant les humains à lutter contre les légions sataniques, Dieu leur impose un combat gravement inégal ! Il vaudrait mieux pour tout le monde que chacun joue dans sa catégorie : une équipe de démons contre une équipe d'anges gardiens (un match au ciel et le retour en enfer) ; et pour les hommes, les structures de compétition existent depuis longtemps qu'on pourrait aisément humaniser, dès l'instant où l'Eternel nous aurait enfin débarrassés de nos vieux démons.
On peut remarquer que dans chacune des histoires qui furent évoquées (y compris celle concernant la femme de LOTH), ce qui est très lourdement sanctionné, ce n'est pas seulement la désobéissance mais aussi la curiosité qui incita à désobéir. Pour ADAM et EVE, on nous dit qu'ils commirent le crime impardonnable de "manger du fruit de l'arbre de la science du bien[3] et du mal" (Genèse, II, 17). Le bon enfant, ce n'est pas seulement celui qui est sage mais aussi celui qui ne pose pas de questions, qui ne se pose pas de questions. De toutes façons, il ne faut pas chercher à comprendre. D'ailleurs la curiosité est un vilain défaut.
[1] J'aurais pu évoquer la femme de LOTH changée en statue de sel parce qu'elle avait désobéi en se retournant sur SODOME et GOMORRHE livrées au feu céleste, mais en comparaison, l'aventure est subalterne et surtout intéressante en ce qu'elle débouche sur le double inceste de LOTH et de ses filles précédemment sauvés parce que les seuls justes. Peut-être une erreur judiciaire
[2] Oserai-je l'avouer, je ne comprends pas du tout ce que veut exprimer Dieu quand il dit :"Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance ..." Puisqu'il est un pur esprit, ne devrions-nous pas être de purs esprits ? Ou bien voulait-il parler du caractère ? La Bible nous le montre de sexe masculin, misogyne, brutal, sanguinaire, vindicatif, jaloux, irréfléchi, passant du massacre au repentir, ne refusant pas qu'on s'entre-tue pour lui, avide de louanges, exigeant un sacrifice humain puis y renonçant à la dernière seconde, acceptant à l'occasion qu'un père (JEPHTE) tue sa propre fille pour le remercier. Il y eut certes des hommes qui pourraient se reconnaître dans cet inventaire. Mais on peut aussi en trouver qui sont généreux, paisibles, respectueux des autres, en un mot totalement différents .
[3] Faut-il comprendre qu'avant d'en manger, ils ne connaissaient pas la différence entre ce qui est bien et ce qui est mal ? Mais dans ces conditions, comment justifier la sanction contre ADAM et EVE eux-mêmes ?
La Bible
Vos contributions
Haut de page
Contact
Copyright ©