Athéisme : l'homme debout. Vivre sans Dieu et sans religion  >  Vos contributions    > Le paradoxe de l'omnipotence


Réflexion : Le paradoxe de l'omnipotence


par Albert Crispin  -  21/02/2015




Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




1 - Le paradoxe de l'omnipotence

Il n'est pas rare que les apologistes affirment que Dieu est omnipotent ou tout puissant (et ce, même s'ils ne le démontrent pas).
Le paradoxe de l'omnipotence est un célèbre problème de logique visant à montrer que Dieu ne peut être omnipotent. On peut le formuler comme suit : "Dieu peut-il créer une pierre si lourde qu'il ne pourrait la soulever ni même la rendre soulevable ?".

Si Dieu ne peut soulever cette pierre alors il n'est pas omnipotent ; il en va de même s'il s'avère que Dieu ne peut créer une telle pierre. Dans les deux cas, nous constatons que Dieu n'est pas omnipotent.

2 - Quelques tentatives de réponses au paradoxe

Le paradoxe de l'omnipotence a fait l'objet de nombreux débats et est encore discuté à l'heure actuelle. Il n'est donc guère surprenant que certains aient tenté de surmonter ce paradoxe et pour préserver l'omnipotence de Dieu.

Certains apologistes, comme Thomas d'Aquin, ont dit que le problème était mal posé car logiquement impossible et qu'en réalité il n'y avait pas de problème et donc pas de paradoxe. Toutefois, l'argument ne tient pas la route : il n'y a rien d'illogique à imaginer un être qui concevrait une chose si lourde qu'il ne saurait la soulever. On peut même en faire empiriquement l'expérience : il est possible qu'un homme construise un bateau si lourd qu'il ne saurait le soulever. Le problème vient du fait que c'est incompatible avec l'idée d'un être tout puissant ; or l'omnipotence de Dieu est précisément ce qui est remis en question ici. En raisonnant sur le paradoxe, nous ne pouvons partir de l'idée selon laquelle Dieu est omnipotent car cela serait commettre une pétition de principe.

L'autre stratégie consiste à redéfinir la notion d'omnipotence pour qu'elle soit conciliable avec le problème. A ce stade, il est essentiel de définir raisonnablement ce que signifie le concept de "l'omnipotence divine". L'omnipotence de Dieu peut se définir par le fait que Dieu est tout puissant. La notion de toute puissance signifie que la puissance de Dieu est absolue et ne souffre donc d'aucune limite ou contrainte.

Il est important de ne pas confondre "tout puissant" et "le plus puissant". Même si Dieu était l'être le plus puissant, cela ne signifierait pas pour autant qu'il est tout puissant car il se pourrait qu'il ait un potentiel inexploité ou qu'il souffre d'une quelconque contrainte qui limite sa puissance. Bref, rien ne prouverait que la puissance de Dieu est absolue.

Certains ont tenté de dire que la notion de toute puissance ne signifie pas que Dieu soit capable de se rendre impuissant. Cette reformulation n'est pas recevable car nous pensons qu'elle est contradictoire : si nous considérons ici que Dieu peut faire certaines choses mais que sa puissance ne lui permet pas de se rendre impuissant, alors il doit donc être impuissant du fait de ne pas pouvoir se rendre impuissant. Autrement dit, le fait que Dieu ne puisse se fixer des limites est en soi une limite.

De plus, cette définition nous semble jouer sur les mots en limitant la puissance de Dieu à ce qui paraîtrait "positif". Si nous imaginons que Dieu, en jouant, ne peut faire que gagner, alors il est forcé de gagner et des limites l'empêchent de pouvoir perdre (ou de faire match nul). Or si la puissance de Dieu était absolue, il pourrait tant gagner que perdre et ne serait contraint à l'une ou l'autre position. Surtout, comme nous le verrons ci-dessous, il est possible d'avoir un Dieu bien plus puissant que celui décrit ici.

3 - Vers une reformulation du paradoxe

Au vu des développements avancés précédemment, nous pouvons concilier le paradoxe de l'omnipotence présenté sous le titre 1 avec la définition que nous avons élaborée au titre 2.

Lorsque le paradoxe de l'omnipotence est invoqué, il est important de se poser la question suivante : à première vue, la puissance de Dieu souffre t-elle de limites ou de contraintes ?

Réponse 1 : NON : la puissance de Dieu est absolue et n'est pas limitée.


Selon cette première réponse, la puissance de Dieu est absolue. Nous pouvons en déduire que Dieu est non-logique. Par là, nous ne voulons pas dire qu'il est "anti-logique" mais qu'il ne suit pas forcément nos lois logiques (car dans le cas contraire, il serait limité par celles-ci). Par conséquent, il est possible que Dieu puisse soulever un rocher qu'il ne peut soulever ou tracer des cercles carrés : le paradoxe de l'omnipotence étant un paradoxe logique, il ne peut s'appliquer à Dieu qui est non-logique.

Mais considérer que Dieu est non-logique mène à certains constats qui, sans doute, pourraient fâcher les apologistes et extrémistes religieux.
  • Si Dieu est non-logique, il est possible qu'il présente des propriétés contradictoires ou même des propriétés qui nous sont inconnues. Cela signifie que nous ne pouvons connaître Dieu avec certitude et il se peut même qu'il soit inconcevable pour nous. Chercher à démontrer ce qu'est Dieu ou à connaître sa volonté de manière objective est peine perdue.

  • Ainsi, les idées que nous pouvons nous faire de Dieu sont avant tout des interprétations arbitraires et personnelles (bien qu'elles puissent être partagées). Il est donc possible que des visions que certains se font sur Dieu entrent en contradiction avec d'autres sans pour autant que l'on puisse objectivement déterminer qui a raison puisque Dieu peut présenter simultanément deux propriétés opposées.

  • De plus, il devient stérile de chercher à démontrer l'existence de Dieu, dès lors que tenter de prouver par un raisonnement logique l'existence d'une chose non-logique est vain. C'est-à-dire que, par exemple, Dieu aurait pu causer son existence par lui-même ou qu'il aurait pu créer le monde sans exister. Il pourrait même exister et ne pas exister simultanément...

  • De là, la définition même de "Dieu" peut être remise en question. Il pourrait exister une chose non-logique qui n'a de "Dieu" que le nom mais qui ne correspond pas à un être divin doté de conscience et de volonté propre.

  • Si nous partons du principe que Dieu n'est pas logique, cela ne signifie pas pour autant que Dieu est omnipotent. Dieu pourrait par exemple être "partiellement" non-logique parce qu'il ne présente seulement que deux propriétés contradictoires et cependant toujours être confronté au paradoxe. La réponse 1 implique que Dieu est non-logique, mais le fait que Dieu soit non-logique n'implique pas forcément la réponse 1.

  • Enfin, la réponse 1 ne permet pas de dire que la puissance de Dieu est sans limite. Si on admet que Dieu est non-logique, alors Dieu ne peut être exclusivement logique. Cela n'est pas contradictoire avec ce qui a été dit plus haut, car ce qui a été avancé aux points précédents reposent fondamentalement sur l'idée que Dieu n'est pas logique. Il s'agit donc ici ni plus ni moins qu'un constat. Même si Dieu n'est pas logique, il reste limité car il ne peut pas faire les choses n'importe comment : il ne peut résoudre le paradoxe de l'omnipotence en étant logique. Il s'agit d'une forme de contrainte car Dieu, pour accomplir certaines choses, ne peut effectuer certaines actions. On pourrait être tenté de distinguer la toute puissance de Dieu sur le fond et sur la forme : celle-ci étant absolue sur le fond et limitée sur la forme. Mais il n'empêche que dans ce cas, la puissance de Dieu reste tout de même limitée car devant suivre certaines règles et, par conséquent, sa puissance ne lui permet pas de violer ou de modifier ces règles ni même, de manière plus générale, pouvoir être entièrement et exclusivement logique.

Réponse 2 : OUI : la puissance de Dieu n'est pas absolue et est limitée.

De cette réponse-ci nous pouvons déduire que Dieu n'est omnipotent car il existe des limites qui contraignent sa puissance. Bien entendu, ces limites ne peuvent être transgressées sinon nous ne pourrions parler de "contraintes" et nous devrions nous rediriger, dans un premier temps, vers la réponse 1. A partir de là, une nouvelle question peut être posée : "Qu'est-ce qui limite Dieu ?" ou, plutôt, "d'où viennent ces limites ?".
    Cas A : Les limites sont extérieures à Dieu car elles sont issues d'une autre chose, indépendante de Dieu, ou détiennent d'elles-mêmes leur existence. Dans ce premier cas, il existe quelque chose qui est, en tout cas sur un aspect, plus puissant que Dieu car parvenant à le contraindre. Cela revient à dire que le rocher que Dieu ne sait soulever existe par lui-même ou est dû à quelque chose d'extérieur à Dieu.

    Cas B : Les limites proviennent de Dieu car il les a lui-même établies. Dans ce cas-ci, on constate que Dieu, en décidant de s'imposer des contraintes, a en quelque sorte créé une pierre qu'il ne peut soulever.

    Cas C : Les limites proviennent de Dieu car elles sont inhérentes à sa nature. Dans ce dernier cas de figure, ce n'est pas Dieu qui décide de s'attribuer des contraintes mais celles-ci existent en raison de la nature même de Dieu. On remarque dans ce cas-ci que, par sa nature même, Dieu ne peut être omnipotent. En d'autres termes, la nature même de Dieu implique une pierre que celui-ci ne peut soulever.

    Certains exemples, supposant ici que Dieu est logique, peuvent être fournis pour illustrer le cas C.

    • Par exemple, soutenir que Dieu doit être atemporel signifie que Dieu ne peut être omnipotent. En effet, si Dieu est atemporel (hors du temps) alors il est inchangé et ne peut donc rien faire (pas même créer le monde), ce qui limite sa puissance.

    • Un autre exemple consiste à dire que Dieu doit être omniscient. Nous pouvons prendre une définition de l'omniscience semblable à celle de l'omnipotence : il d'agit d'un savoir absolu et donc sans limite. Si le savoir de Dieu est absolu, alors il doit connaître l'avenir ou autrement dit "ce qu'il va faire". Cela signifie que Dieu, tout comme les Hommes, n'a aucun libre-arbitre car les choses ne peuvent se dérouler parce que Dieu ou nous-même avons effectué certaines décisions personnelles et réfléchies, mais parce en réalité, derrière cette illusion du choix, tout est déjà programmé et prévu. Parce que le savoir de Dieu est absolu, rien n'aurait pu être autrement. Cela signifie que toute action de Dieu a également été prévue et lui-même, sachant parfaitement ce qu'il va se passer, ne peut s'y opposer. Ainsi, l'omniscience de Dieu constitue une limite à son omnipotence.

En conclusion, nous pouvons constater que la puissance de Dieu ne peut être considérée comme absolue et Dieu, s'il existe, ne peut être omnipotent.


Albert Crispin



Voir la page d'accueil sur Dieu



Athéisme : l'homme debout. Vivre sans Dieu et sans religion   Vos contributions    Haut de page    Contactcontact   Copyright ©