A propos du dossier du "Monde des Religions" sur les athées

(janvier - février 2006)

par WWSA - 09/01/2006

Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.

Bonsoir,

Le Monde des religions vient de publier un dossier qui m' a inspiré quelques réflexions. Les parenthèses signées WWAS sont de mon cru : We Want A Shrubbery est mon nom sur la toile.

Le Monde des Religions se penche dans son numéro de janvier-février sur de drôles de bestioles un peu répugnantes : les athées. Les articles de ce dossier nous apprennent assez peu de choses sur les athées, et beaucoup sur la vision qu'en ont leurs rédacteurs.

On peut déjà remarquer qu'en dehors de l'article qui présente l'historique du fait athée (et qui doit beaucoup, me semble-t-il, au Traité d'athéologie de Michel Onfray) l'article le plus nourri est celui consacré aux idéologies (toutes défuntes aujourd'hui, sauf à Cuba et en Corée du Nord) qui au nom de "l'athéisme d'État" ont persécuté les croyants (très belle et très émouvante photo d'un moine bouddhiste menotté). Bon, pour faire bonne mesure, dans un autre article il est mentionné le supplice d'Étienne Dolet, l'excommunication de Spinoza, mais rien sur le chevalier de la Barre, rien sur le danger qu'il y a aujourd'hui, dans la plupart des pays musulmans, à avouer son incroyance, rien sur les difficultés que peuvent rencontrer les Etasuniens qui souhaitent vivre librement leur athéisme.

L'auteur de l'article historique, Frédéric Lenoir, émet ce constat aussi usé que les genoux d'une culotte de pauvre dévot: "Auschwitz, le goulag et Hiroshima ont mis à mal cette idéologie du progrès (Celle de Marx et Freud, note de WWAS) et la foi aveugle en la science ou dans le politique qui la portait" ("foi aveugle" qui n'est pas plus inhérente à l'athéisme que l'athéisme ne lui est inhérent: enfin monsieur Lenoir, avez-vous lu Nietzsche?). Parce qu'évidemment la science (qui est sans conscience, c'est bien connu) est l'alliée du totalitarisme : ça doit être pour ça que Staline croyait tellement dans la science qu'il a dû imposer les thèses délirantes de Lyssenko pour l'ajuster à son idéologie. Et pourquoi l'hypothèse de Dieu n'aurait-elle pas été, elle aussi, mise à mal par les violences du XXème siècle? "Dieu n'existe pas, puisqu'il y a Auschwitz", disait Primo Levi, qui servit jusqu'à sa retraite sa science d'élection, la chimie, laquelle l'aida dans l'élaboration de son œuvre, sans qu'il ait en elle une foi plus aveugle que dans quoi que ce soit. N'est-il d'ailleurs pas ironique que l'écrivain emblématique de la Shoah ait exercé le même métier que ceux qui mirent au point le Zyklon B? la réalité est décidément bien plus complexe que ce que voudraient nous faire croire des vérités de dame catéchiste.

On trouve à la fin du même article ceci : "Aujourd'hui il apparaît que l'immense majorité des humains sont religieux (vilaine syntaxe, note de WWAS) et que la foi en Dieu concerne encore les deux tiers des Européens". Ce qui ne veut pas dire que la religion soit bonne, ou que son emprise soit si durable qu'il y paraît : en 1981, 75% des Français étaient favorables à la peine de mort. Plus maintenant. L'exemple n'est peut-être pas très malin, mais il ne l'est pas moins que la remarque qui l'a suscité.

La dernière phrase est d'une platitude lénitive dont ne s'étonnera aucun de ceux accoutumés à la casuistique chrétienne non intégriste : "On observe même, en ce début de XXIème siècle, une résurgence de la religiosité, sous des formes individuelles et collectives, qui apparaît bien comme le signe, heureux pour certains , navrant pour d'autres, que l'humanité est loin d'en avoir fini avec Dieu et avec la religion" (ouf!).

Il y a aussi un article sur "le profil sociologique des sans-religion en France" où l'on apprend qu'il y a plus de femmes parmi les athées que l'auteur de l'enquête ne s'y attendait : 45%, pour 55% d'hommes. Je remarque pour ma part que depuis quelques années les femmes occupent une place de plus en plus déterminante dans la contestation radicale de l'ordre religieux: Taslima Nasreen et, désormais, Ayaan Hirsi Ali en sont devenues emblématiques, mais il convient de citer également les travaux de Caroline Fourest et Fiammetta Venner, et aussi "Bas les voiles" de Chahdortt Djavann. Si j'en oublie, qu'elles m'excusent. L'enquête fait également ressortir que l'incroyance semble décroître à mesure que l'âge avance : 36% de sans-religion parmi les moins de 35 ans, seulement 12,5 % parmi les 65 ans et plus. Là ce serait bien de savoir quelle part des plus de 65 ans en question croyait en Dieu quand ils avaient moins de 35 ans : on saurait ainsi si l'on est en présence d'une mutation sociologique (si 87,5% des vieux croyaient déjà en Dieu dans leur jeune temps, contre seulement 64% des jeunes de maintenant) ou d'une conséquence inéluctable du vieillissement (si 36 % des vieux ne croyaient pas en Dieu à 35 ans, mais que les deux tiers ont changé d'avis depuis). Les cadres et professions intellectuelles supérieures sont plus nombreux parmi les impies, ne savait pas l'auteur. "Plus on a fait d'études, moins on déclare appartenir à une religion. Même si relation n'est pas causalité" (non, cela va de soi. Il y a beaucoup moins de sans-religion en Afghanistan, où l'analphabétisme est massif, qu'en Suède, où il est quasi inexistant, mais ça n' a bien entendu rien à voir).

Il y a tout de même un truc qui me chiffonne : parmi ces sans-religion, il y en a plus pour croire aux miracles (22%) que pour croire en Dieu (21%)! c'est aussi cohérent qu'un texte religieux! Et 39% (dont, si je compte bien, un tiers ne croit pas en Dieu) qui croient à l'existence de "quelque chose" après la mort (mais est-ce bien la foi en "quelque chose" ou l'incapacité à se résigner au "rien"?)! Camarades athées, nous avons du boulot en vue!

Le plus dur restait à faire : rencontrer des athées. Comme il n'était pas question d'aller interviewer Onfray (cieux!), Cavanna (Bonne Mère des anges!) ou Taslima Nasreen (vous voulez qu'on nous balance une fatwa ou quoi? il y a des musulmans qui écrivent dans notre canard, quand même!), on en a choisi deux relativement bien peignés : Debray et Comte-Sponville, qui s'en tirent ma foi honorablement, Comte-Sponville notamment qui a cette belle formule : "L'athéisme est une opinion, une conviction, pas un savoir. Mon athéisme est donc plus qu'une interrogation et moins qu'une certitude. je ne sais pas si Dieu existe (personne ne sait) (c'est vrai, les croyants, eux, croient qu'ils savent, et c'est peut-être justement pour ça qu'on les appelle croyants et non savants, note de WWAS) ; mais je crois fermement qu'il n'existe pas." Je n'aurais pas mieux dit, mais aujourd'hui je suis d'humeur conciliante.

En bref, amis athées, ce numéro du Monde des Religions est vraiment intéressant et amusant, surtout pour nous.

WWAS

Voir, dans la revue de presse, un résumé de ce dossier du Monde des Religions

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