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La Voix de la Raison

"L’Inconquistador"


Une contribution de Jean-Claude Martin  -  10/04/2006




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Ce texte est extrait de mon livre "L'Inconquistador" retraçant l'épopée de Cabeza de Vaca (premier explorateur des actuels Etats-Unis) en un poème épique de près de 6000 alexandrins.
A la fin, ne sachant rien sur sa mort dans un monastère, j'ai imaginé que ce dévot qui avait fait du bien aux Indiens et désapprouvait le sort que leur faisaient subir les chrétiens, doutait de Dieu puis entendait une voix qui lui donnait la réponse (athée et scientifique) sur la création du monde.
Je m'étais fixé le défi de démontrer en vers l'irrationalité de la croyance en Dieu.
C'est le dernier poème qui clôt mon ouvrage. Le précédent : l'interrogation d'un croyant sur Dieu (lequel suivre le Père ou le Fils bien différents) est moins typiquement athée.

Une vue générale du livre est sur: www.inconquistador.com





"L’Inconquistador"

"Cabeza de Vaca"

poème épique




      La Voix de la Raison


      A demi somnolant, gisant sur ma paillasse,
      Inconscient de l’entour, même du temps qui passe,
      Dans ma barbe hirsute, encor je maugréais :
      "Mais l’homme, dis-moi, Dieu ! Pourquoi l’as tu créé ?"

      C’est alors qu’une voix, d’origine imprécise,
      S’éleva et me dit, à ma grande surprise :
      "Cabeza me voilà !"

      "Es-tu le Créateur ?"

      "Non, non, moi je ne suis qu’un simple visiteur."

      "Comment ? N’es- tu pas Dieu, venu pour me répondre ?
      Combien de temps encor, devrais-je me morfondre ?"

      "T’expliquer, je le puis, mais vas-tu me comprendre ?
      Tu as énormément de choses à apprendre.
      L’homme n’a qu’un esprit étroit et limité,
      Bien que, comme primate, il soit le mieux doté."

      "Un primate, dis-tu, serions-nous, donc, des singes ?"

      "Vous avez moins de poils et bien plus de méninges.
      Mais, même parmi vous, le plus grand des génies
      Ne peut appréhender les grandeurs infinies.
      Il est indispensable à votre entendement
      Que tout ait une fin et un commencement.
      Il faut que vous trouviez des causes immédiates
      Aux effets observés, mais l’affaire se gâte
      Quand vous vous confrontez à la complexité.
      Elle existe dans tout. C’est la difficulté.
      Dès lors qu’il ne comprend les choses, l’homme invente
      Une interprétation, parfois intelligente,
      Quelquefois idiote et toujours erronée.
      C’est ainsi, Cabeza, que la croyance naît."

      "La croyance, dis-tu ? Mais c’est la vérité !
      Des Lois et Testaments, veux-tu me voir douter ?"

      "Ne douterais-tu pas ? Ton Dieu, le catholique,
      Se manifeste-t-il ? Il faut que tu m’expliques
      Pourquoi tu crois en lui, si jamais ne remarques
      Sa présence ni même, assurément, sa marque
      Dans quelque phénomène, ou bien l’intervention
      De sa toute puissance, en telle ou telle action.
      Toi-même reconnais que chez ses prosélytes,
      On rencontre beaucoup de sombres acolytes.
      S’il existe, comment peut-il les laisser faire ?
      Devant l’ignominie, comment peut-il se taire ?»

      "Les voies que choisit Dieu, nous sont impénétrables."

      "C’est ce que je disais. L’homme n’est pas capable
      De conduire à leur fin, tous ses raisonnements,
      Car il est limité dans son entendement,
      Et parce que sa raison ne cesse de fléchir,
      Devant les préjugés, qu’avant de réfléchir,
      Il a accumulés, devant la tradition,
      Devant ses intérêts ou devant ses passions.
      Prétentieux, il estime avoir de l’intuition
      Et prend pour vérité, sa première impression.
      C’est un être social qui se groupant en masse,
      Ne peut plus penser seul ; sa logique s’efface.
      La religion n’est pas qu’affaire de croyance.
      Pour la plupart, elle est signe d’appartenance
      A la patrie, au clan, à la communauté
      Dans laquelle on est né ou qu’on a adoptée.
      Et que l’on soit bouddhiste ou bien mahométan,
      Catholique, orthodoxe ou juif ou protestant,
      C’est une tradition qui vient en héritage.
      Plus qu’une conviction, c’est un bien qu’on partage.
      Serais-tu un Chrétien, si tu étais d’Oran ?
      Non ! Tu prierais Allah et lirais le Coran."

      "Et toi, qui es-tu donc ? Certainement Satan !
      Sachant que je doutais, un piège tu me tends."

      "Je ne suis pas Satan, Lucifer, Belzébuth,
      Ni quelque autre démon. Tromper n’est pas mon but.
      Je sais que tout croyant devient un incrédule,
      Dès lors que de l’Eglise, il est sous la férule.
      Il nie les faits réels qui soulèvent le doute.
      La vérité fait peur, c’est elle qu’il redoute.
      Il bouche ses tympans, il invoque le diable.
      Les idées convenues sont bien plus convenables !
      Il affirme que Dieu le fît à son image,
      Alors que c’est l’inverse. Aujourd’hui, je présage,
      Si Jésus revenait, il n’aurait d’auditoire.
      Même, on le brûlerait. Mais de puérils grimoires,
      Venus de temps anciens, vous les croyez vraiment.
      Et si vous divergez sur un vieux testament,
      Vous inventez, alors, une autre religion,
      Vous vous entretuez, opposant vos légions.
      Pauvre esprit que celui qui croit que pour convaincre,
      Il faut lever armée et il suffit de vaincre.
      Trop d’hommes ont péri, à cause de la Foi
      Et il en périra, encore, bien des fois !
      Sais-tu les théories du savant Copernic
      Qui font, depuis douze ans, l’objet de polémiques ?
      En montrant que la Terre, au sein de l’Univers,
      N’occupe point le centre, il inflige un revers
      Sans appel, à l’idée, qu’entre ses créations,
      L’homme ait reçu de Dieu, la place d’exception."

      "Mais soutiens-tu qu’il y ait un autre monde, ailleurs,
      Avec des habitants, à l’homme supérieur ?"

      "Dans l’Univers entier, la Terre est grain de sable.
      Qu’existe une autre planète habitée, c’est probable."

      "Tu ne peux soutenir, qu’une œuvre aussi immense,
      N’ait pas été créée, par la toute puissance
      D’un être exceptionnel, rien ne venant de rien."

      "Alors, écoute-moi, illogique Terrien !
      Essaie donc d’oublier les croyances d’hier.
      Sers-toi de ta cervelle où l’on mit un bréviaire.
      Par simple analogie, par la règle empirique,
      Qu’il faut un fabricant pour tout ce qu’on fabrique,
      A voir l’immensité et les beautés du Monde,
      D’évidence, on acquiert, la conviction profonde
      Qu’il ne s’est pas fait seul, et donc qu’un créateur,
      Doué d’omnipotence, en a été l’auteur.
      C’est ce point de départ, seulement supposé,
      Lorsqu’il est pris pour sûr, qui vient tout scléroser.
      Rien ne prouve, en effet, que certains phénomènes
      Ne puissent s’enclencher seuls, ni qu’ils ne s’enchaînent,
      En développements ou aboutissements,
      Sans que la main d’un Dieu agisse à tout moment.
      Voilà quinze milliards d’années, probablement,
      Notre Univers est né dans un éclatement,
      Partant d’un petit rien qui a évolué.
      Ainsi des galaxies se sont constituées,
      Avec mille soleils, étoiles ou comètes
      Qui, en refroidissant, ont donné les planètes.
      Depuis bien peu de temps, par rapport à cela,
      Sur Terre et quelques autres mondes, au-delà,
      Sont apparus, enfin, de petits organismes
      Capables de changer, eux-mêmes, de tropisme,
      S’adaptant au milieu. Ainsi survint la vie,
      De la cellule au singe. Et l’homme s’ensuivit.
      Adam et Eve, en fait, ne sont pas les parents
      Dont descend chaque humain !"

      "C’est abracadabrant !"

      "Cela t’étonnera, sache que la matière,
      Est faite d’énergie, comme un rai de lumière.
      Elle n’est, simplement, que bien plus concentrée."

      "Tu me sers tout cela, sans rien me démontrer."

      "C’est pourtant, à peu près, ce que les scientifiques,
      Dans près de cinq cents ans, tiendront pour véridique."

      "Même si tu dis vrai, pour Dieu, il y a place.
      Au tout premier instant, quand la petite masse
      Du premier élément est apparue, c’est Dieu
      Qui l’aura apportée et placée dans les cieux.
      Puis il aura dicté les lois d’évolution,
      De développement et de gravitation."

      "Fort bien dit, mais conviens, Cabeza, tout de même,
      Que ton affirmation laisse entier le problème.
      Lorsqu’un savant honnête admet : "Je ne sais plus !"
      Le dévot convaincu prétend : "Dieu l’a voulu !"
      Ce n’est pas tout à fait ce qu’on nomme un sophisme,
      Mais c’est assurément, signe d’obscurantisme :
      De telles assertions font mépris de la Science.
      Tant que l’homme n’a pas beaucoup de connaissances,
      C’est son Dieu qui fait tout et sert à expliquer,
      Simplement parce qu’il est, tout ce qui est compliqué.
      Puis, progressivement, quand le savoir avance,
      Dieu se voit repoussé. Seigneur de l’inconnu,
      Il recule avec lui. On le porta aux nues,
      Alors que Jupiter n’était que sur l’Olympe.
      Lorsque l’homme s’élève, il faut bien que Dieu grimpe,
      Qu’il reste inaccessible et fuie, de loin en loin.
      Là où l’on croit le voir, on ne le trouve point.
      Le voilà, maintenant, confiné dans l’instant,
      Infiniment lointain où débute le temps.
      Et si l’on en revient à la simple logique,
      Que ton Dieu soit réponse ultime, ésotérique,
      Ou axiome premier, qu’il soit l’unique cause
      De l’existence de chaque être et toute chose,
      Alors, il n’est de sens en aucune hypothèse,
      Ni aucun argument, hors de la catéchèse,
      Puisqu’au dernier degré d’ignorance absolue,
      Que l’on prononce Dieu et tout est résolu.
      En bref, cela revient à faire théorème,
      Qu’à la question "Pourquoi ?", quel que soit le problème,
      La réponse "Parce que !" soit seule solution,
      Sans possibilité de mener discussion.
      Dieu met le point final à tout raisonnement,
      Non pas, parce qu’il éclaire, en nous, l’entendement,
      Mais parce qu’il l’obscurcit avec tous ses mystères.
      Quand on a dit son nom, la Raison doit se taire."



      Jean-Claude Martin


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