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Dieu, cet inconnu


par Serge Charpentier  -  29/12/2005




Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




Dieu, cet inconnu


Pour les chrétiens, il n'y a qu'un Dieu qui règne dans les cieux. En Islam, il n'y a qu'un Dieu, c'est Dieu et son nom est Allah. Les Juifs rendent hommage à Jéhovah. Manitou accueille les indiens d'Amérique sur ses heureux territoires de chasse. Du haut du Tibet, Bouddha observe avec complaisance. Braham-Sima-Vishnu anime les âmes hindoues. Sur l'Olympe, Zeus somnole. Il y a aussi des êtres de lumière, extra-terrestres, venant d'ailleurs.

On ne sait plus à quel saint se vouer.

Dans chaque secte, religion, groupement, il y a des prêtres, moines, gourous, chamans qui se présentent comme détendeurs exclusifs de la vérité sûre et certaine. Le doute n'a pas de place. Les questions ne se posent pas. Chez les catholiques, hors de l'Église, point de salut. Pour l'Islam, le christianisme occidental est le Grand Satan. Certains rêvent de grand ralliement de tous les croyants, d'autres président des guerres de religions comme jamais auparavant. Dans ce dernier cas, il faut choisir la religion gagnante sinon c'est la perdition.

Il y a de quoi être un peu perdu.

Dans les montagnes de volumes écrits, dans les flots de mots prononcés sur la religiosité, tout tourne autour du vortex : la Foi. Je parle de la Foi dans ce sens d'un état d'âme qui porte à croire en Dieu, en un dogme par une adhésion profonde de l'esprit et du coeur qui apporte la certitude.

Les croyants aiment bien ceux qui ont la Foi, surtout si cette foi a le même objet que le leur. Par contre, ils ont pitié ou ils se méfient des sans Foi. Pourtant, il y a des athées, des agnostiques, des mécréants, des impies qui ne sont pas de mauvais bougres.

Je raconte maintenant l'histoire d'un mécréant. Sa vie illustre qu'on ne vient pas au monde avec la Foi comme avec un tube digestif. L'origine de la Foi est plus mystérieuse.

Je vous présente Hercule. Il est fils premier de trois enfants, né au début des années trente. Classe moyenne, père fonctionnaire, mère ménagère, il est un petit gars ordinaire. Il a eu les maladies enfantines et il a failli mourir d'une gastro-entérite. Il n'y paraît plus, du moins extérieurement. Sa mère, comme toutes les bonnes mères de l'époque, lui a conté des contes : le petit chaperon rouge, Le petit Poucet, Le petit Jésus, Marie, Joseph, le boeuf et l'âne et les autres, La Belle au bois dormant, Blanche-Neige et les sept nains, etc. Sauf que sa mère a oublié de lui dire que dans le cas du Petit Jésus, il fallait croire en cette histoire. Hercule l'a donc mis parmi les autres comme un conte charmant servant à meubler l'imaginaire et à protéger contre les peurs de la nuit. Les mamans d'aujourd'hui n'ont plus le temps de raconter à leurs enfants. Elles travaillent. Je présume que les garderies s'en occupent.

La maman d'Hercule, ancienne institutrice, lui a aussi montré à lire et à écrire. Elle lui a aussi montré le mystère de l'horloge.

Un jour, son papa lui dit : "Tu as maintenant l'âge de raison, tu dois aller à l'école. Tu vas voir, tu vas y apprendre toutes sortes de belles choses". Hercule se demandait bien ce que l'âge de sept ans et la raison avaient affaire ensemble mais il croyait en son papa. Celui-ci lui avait montré à lire en lettres carrées dans le journal, entre autres. Les genoux paternels sont plus confortables que le banc d'école pour apprendre.

Papa était inquiet de la réaction d'Hercule devant l'éventualité de l'école. Il n'aurait pas dû. De la demeure familiale, on voyait l'école et on s'y rendait par un sentier à travers les champs. Hercule avait joué dans la cour de récréation avec ses amis plus grands. Il n'y eut donc pas de traumatisme émotif et spirituel déchirant de l'enfant arraché à ses parents par l'école. Plus tard le traumatisme. Le jour venu, il s'installa dans la classe de première, premier pupitre, rangée du milieu, oreilles grandes ouvertes à la science.

L'instituteur était un religieux comme presque partout ailleurs. Maigre comme un clou, grande soutane noire et luisante, rangée d'incalculables petits boutons sur le devant, grandes oreilles, grandes mains, grands pieds, grand nez. Épouvantail fait pour attirer les corneilles.

L'activité principale de la classe était la suivante : les lettres de l'alphabet étaient écrites au tableau. Avec une baguette, le frère montrait une lettre à la nommant. La classe répétait. Une fois, Hercule s'est trompé : il a dit "L" avant le frère. Celui-ci a regardé la classe d'un oeil torve mais Hercule avait déjà pris son air d'innocence angélique. Ayant maintenant l'âge de raison, il pouvait pratiquer la dissimulation. À son retour à la maison, maman lui demande : "Puis, comment as-tu trouvé l'école" ? La réponse fut laconique : "Y savent pas lire".

À un moment donné, le frère parcourait le devant de la classe en pérorant sur l'omniprésence de Dieu, l'omnipuissance de Dieu, la bonté de Dieu, la colère de Dieu, etc. En l'écoutant, Hercule se disait que sa mère avait oublié quelques histoires. Soudain, le frère s'arrête devant lui et pointe du doigt en disant : "Toi, Hercule, il y a un homme à la maison. Tu penses qu'il est ton père. Il n'est pas ton père. Ton père est dans les cieux". Hercule faillit lui répondre : "L'homme à la maison, c'est qui ?" Mais même avec l'âge de la raison, il nous reste un peu d'instinct. Il se tu.

La journée se passa. À quatre heures, même avant que le frère informe la classe de l'heure, Hercule passait la porte. À la maison, il prit ses deux biscuits et son verre de lait. Ensuite, il s'assit les fesses sur le perron et les pieds sur la marche d'en haut. Son père arrivait par les transports en commun, sur la rue voisine, en face, de l'autre côté du terrain vacant. Un sentier traversait le champ entre les deux rues.

Papa se montre au bout du sentier. Hercule déboule les marches et traverse la rue. Pas besoin de regarder, il n'y a jamais d'autos. Il court dans le sentier et plus il s'approche de son père, plus il pleure. Il saute dans les bras paternels et, là, tout y est : pleurs, larmes, sanglots, morve, hoquets, tremblements. Comme image d'un enfant traumatisé, on ne fait pas mieux. Il s'agrippe à son père comme le naufragé à sa planche. À côté du sentier, il y a une grosse roche. Papa s'assied dessus, il sort son mouchoir et il essuie le visage de son fils qui va déjà mieux. "C'est quoi" ? demande doucement papa. "Le frère, à l'école y dit que t'é pas mon père" dit Hercule chevrotant. "TABARNAK". C'est presque un hurlement de papa. "Ecoute, mon fils, partout sur la terre, au ciel, entre les étoiles, sur les étoiles, dans la terre, tu n'as qu'un père. C'est moi". Hercule va beaucoup mieux. Main dans la main, le père, le fils et l'esprit qui les anime entrent à la maison.

Après souper, papa dit à maman : "Je vais faire une marche avec le petit". Il l'amène chez Laura, petit restaurant du coin et il lui fait boire une liqueur douce, la plus douce de l'entière vie d'Hercule.

Papa dit : "À l'école, tu vas apprendre toutes sortes de choses : L'arithmétique, le français, la géographie et la religion. Pour apprendre, tu n'es pas obligé de croire. Tu n'as pas à croire au français, ni à l'arithmétique. Pour la religion c'est la même chose. Tu n'as pas à croire pour apprendre. Tu dois apprendre la religion. Il y a des concours, des examens de religion. C'est important d'être bon là-dedans. Ils y tiennent. Étudie la religion comme le français. C'est intéressant mais ce n'est pas sérieux". Hercule s'est couché un peu étourdi. Il avait l'impression d'avoir beaucoup à faire. Son père, Jupiter, symbole de la force, venait de tracer son chemin.

Le lendemain matin, Hercule était à l'école, souriant, comme d'habitude. Le trauma n'existait plus. Du trauma, quelques mots sont à dire. Le clerc avait planté son poignard venimeux dans l'âme d'Hercule et papa l'avait arraché en cautérisant la plaie par le feu de son amour. Une religion venait de perdre un client. Hercule, jusqu'à la fin de ses jours, verra les religions, les sectes comme des organisations louches et suspectes.

Ce qui lui a été fait est une tentative d'aliénation de l'homme par l'homme. Faire croire à quelqu'un que son père n'est pas son père provoque la folie. Si Hercule avait cru le clerc, il aurait pris l'irréel pour le réel, le faux pour le vrai. Il serait devenu psychotique. Une autre stratégie est l'infantilisation de l'homme par l'homme. Par cette technique, nous sommes enfants de Dieu et de l'Église jusqu'à notre mort. Nos attributs sont la soumission et la dépendance aveugle et nous n'accédons jamais à la maturité de l'adulte. Aliénation de l'homme par l'homme, infantilisation de l'homme par l'homme n'ont qu'un but : exploitation de l'homme par l'homme. Passer la monnaie et vous serez sauvés. Le clerc a voulu aliéner Hercule. Loupé.

Les grandes religions sont difficiles à percevoir d'un seul regard. Avec les années, elles se sont compliquées, mais on voit clairement l'aliénation, l'infantilisation et l'exploitation dans les petites sectes qui sont des modèles réduits des grandes.

Hercule a terminé son primaire. Il a fait son cours classique. En religion, il était premier de classe. Il pouvait dessiner les méandres du Jourdain, placer sur la carte la Judée, la Galilée, la Samarie, montrer les chemins entre Bethlehem, Nazareth, Jérusalem. Les ecclésiastiques lui voyaient un avenir prometteur parmi eux. S'ils avaient su.

J'ai raconté l'histoire d'Hercule pour montrer qu'on ne naît pas avec la foi en Dieu. Elle s'acquiert, elle s'apprend ou elle est imposée brutalement. À la maison, le climat n'était pas religieux. Papa était libre penseur. Maman aimait bien la fréquentation de médecins, de prêtres, de notaires mais elle ne se serait jamais mise à genoux devant personne. Son père avait été député.

Si on avait dit à Hercule qu'on a un père sur la terre et un Père aux cieux, il l'aurait cru. Pourquoi pas ? Ça ou autre chose. Si la gaffe du frère a été si désastreuse, c'est qu'elle a attaqué l'amour inconditionnel du fils pour son père. Plus d'un demi-siècle plus tard, la flamme de la colère luit encore dans l'âme de ce vieil enfant.

Donc, pour moi, la foi en une divinité n'est pas innée mais elle semble universelle. La question mérite examen. L'étude de l'histoire révèle qu'il y a des croyances religieuses depuis la nuit des temps. L'ethnologie, la sociologie montrent que des peuples même non reliés entre eux ont des croyances similaires. La foi en Dieu, sous des formes variées serait-elle partie du psychisme les incroyants étant des marginaux mésadaptés ?

Une nuit je me suis éveillé en sursaut. Une phrase était apparue devant mes yeux : "La foi, l'espérance et la charité sont les vertus théologales". Tout au long de mes études, on m'a répété cette phrase ad nauseam. Sans doute raison pour laquelle les mots Dieu et foi étaient indissociables dans mon esprit. Pour comprendre, j'ai dissocié l'indissociable. Hercule avait foi en son père, il espérait en son père et il aimait son père qui n'était pas Dieu. Donc la foi n'est pas une vertu théologale. Mais elle est quoi ? La réponse m'est venue comme une balle dans la tête. La foi est un besoin de l'âme. J'enchaînai en concluant que l'espérance et l'amour étaient aussi des besoins de l'âme. Je riais tout seul.

Donc, si la foi, l'espoir et l'amour sont des besoins spirituels, il faut les nourrir. L'Eglise catholique a raison, dans sa logique, de les appeler vertus théologales parce que Dieu est la seul nourriture pour les trois besoins. Mais quand Dieu ne nourrit pas, comment soutenir la vie de l'âme ?

L'humain a un corps physique et une âme métaphysique. Le corps a trois besoins fondamentaux : l'appétit qui demande nourriture. On en a assez vu de Biafrais pour savoir qu'on peut mourir de faim. La respiration qui cherche de l'air. Étouffer génère l'angoisse très très rapidement. La protection contre les éléments. Assis, tout nu, sur la banquise à -50 degré, on se cherche une peau de phoque. Ces trois besoins physiques ne sont pas mis en doute à moins de vouloir parler pour parler. Mais dans le cas des trois besoins spirituels, discussions, verbiage, argumentations, soliloques, dialogues, discours, prises de bec n'en finissent plus. La foi existe-t-elle ? Y a-t-il espoir ? L'amour est illusion. On en entend des vertes et des pas mûres. Il faudrait s'entendre une foi pour toute : nos besoins spirituels sont aussi réels que nos besoins physiques même s'ils sont invisibles et impalpables.

Nourrir le corps occasionne des frais. Demandez à n'importe quel père de marmaille nombreuse. Mais nourrir l'âme ne coûte rien. Je trouve déraisonnable que des organisations et des individus se mettent millionnaires en nourrissant la spiritualité. La nourriture spirituelle est gratuite. Si les prêtres, gourous, chamans, prêcheurs, messies, prophètes veulent devenir riches, qu'ils travaillent. La terre a besoin de bras. Surtout que certaines nourritures spirituelles offertes me sont indigestes. Les extra-terrestres, pour moi, ne font pas Sirius (s'cusez-la).

Nous savons que le corps est fragile et que si nos besoins ne sont pas satisfaits, il devient malade et peut mourir. Voyons ce qu'il arrive à l'âme carencée dans ses besoins. Si la foi n'est pas nourrie, l'âme tombe dans la méfiance, le doute et la confusion. Si l'espérance n'est pas nourrie, l'âme tombe dans le désespoir. Si l'amour n'est pas nourri, l'âme tombe dans l'isolement, le rejet, l'abandon et la haine. Ces états d'âme comportent des souffrances provocatrices de troubles mentaux, des perturbations psychologiques et parfois le meurtre et le suicide. De là, l'impérative nécessité de nous nourrir spirituellement les uns et les autres. Mais il y a nourriture et poison. Un enfant a un malaise. Sa mère lui donne une aspirine en lui disant qu'il ira mieux. De fait, il va mieux. L'enfant croira en la vertu de l'aspirine jusqu'à la fin de ses jours, l'aspirine est devenue nourriture pour sa foi même s'il ne connaît rien aux propriétés chimiques de l'acide acétylsalicylique. Sa mère, comme d'habitude, était porteuse de bonne nourriture pour son corps et pour son âme. De plus, sa croyance repose sur des données scientifiques, sur un savoir vérifiable par la connaissance. Nous croyons et nous savons que l'aspirine peut nous aider. D'autres croyances ne subissent pas le test de la science. Les empoisonneurs de l'âme discréditent la science qu'ils considèrent comme suspecte. Pour eux, leur nourriture spirituelle est d'autant plus valable que la science n'y voit rien et a l'honnêteté de le dire. D'ailleurs certains bonzes et autres disent croire en leurs dieux, connaître leurs dieux, savoir leurs dieux et certains ont même vu leurs dieux. La confusion règne. Ils disent n'importe quoi au cas où quelqu'un croirait quelque chose dans ce fatras. La connaissance, la science, le savoir proviennent de l'activité cérébrale. La foi est un besoin de l'âme. Ceux qui prétendent nous sauver de je ne sais quoi cherchent à nous aliéner et à nous infantiliser i.e. nous faire perdre l'usage de notre cerveau. Si nous mangeons de leur pain, nous risquons d'avaler de l'ergot de seigle. Et dire que l'État donne des exemptions de taxes à certaines de ces organisations. Complicité entre le pouvoir public et le pouvoir religieux ? Je me réserve un petit texte là-dessus.

Je propose un exemple frappant de manipulation spirituelle. Nos sommes tous des pécheurs, des misérables. Nous vivons dans une vallée de larmes (confusion, désespoir, isolement, abandon, rejet). Mais un sauveur est né. Il est venu nous racheter (espoir, amour, foi). Nous sommes pardonnés, nous devenons enfant de Dieu. Notons : encore enfants (bonheur total dans la Foi, l'Espérance et la Charité). Ce thème en trois parties est fort bien fait. D'abord, tu es malade ensuite quelqu'un te guérit, enfin tu es normal. La difficulté première est de te convaincre que tu es malade. Mais comme la condition humaine comporte toujours une certaine dose de doute, de désespoir et d'isolement, en martelant sur ces points sensibles on peut finir par déprimer n'importe qui ou presque. Je trouve ce procédé odieux. Rendre malade pour jouer le guérisseur, c'est pitoyable à mes yeux. On dirait un apothicaire qui mettrait du poison dans ma soupe pour mieux vendre son antidote.

Quand je vois que la plus grosse habitation du village est le presbytère et que j'entends prêcher l'humilité et la pauvreté, mes sourcils se froncent. Passons sur les basiliques et cathédrales.

La Charte canadienne des droits et libertés énonce certaines libertés fondamentales :
"2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes :

a) liberté de conscience et de religion ;

b) liberté de pensés, de croyance, d'opinion et d'expression,...".

En préambule, la Charte dit aussi : "Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit". Il y a un os dans la Charte. La suprématie de Dieu brime ma liberté de conscience. Mais comme Dieu n'est pas défini et demeure inconnu, je laisse aux avocats le soin de purger cet os.

La Charte des droits et libertés du Québec a omis Dieu. Des athées ? Au Québec ? Enfin. Elle dit quand même ceci : "Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion...".

Je suis fier d'être citoyen d'un pays où je possède la liberté de choix religieux. Mais être libre de croire n'est pas la même chose que faire croire n'importe quoi à n'importe qui pour des motifs mercantiles. Les "pushers" d'ovni sont libres de pratiquer leur commerce alors que les "pushers" de cocaïne sont mis en tôle. Il s'agit pourtant de deux façons d'altérer la conscience et de provoquer l'aliénation. Les nourritures et drogues pour le corps sont surveillées à la loupe. La sustentation de l'âme ne subit aucun contrôle. Y aurait-il vide juridique menant à des horreurs comme l'O.T.S., Waco, Jonestown ? Sans parler de toutes ces sorcières brûlées au bûcher au cours de l'histoire.

Nous souffrons un débat interminable visant à déterminer si, dans les écoles, on devrait enseigner la religion ou la morale. Je présume qu'il s'agit de la religion catholique mais je ne sais pas de quelle morale il est question. Je trouve de débat obnubilé. Dans les écoles, enseignons le droit : "Les interdits du Code criminel et les droits et obligations du Code civil. Ce sont ces règles qui gèrent les relations entre citoyens. Elles sont simples si elles sont traduites en langue familière et les enfants du primaire peuvent les comprendre mieux qu'un catéchisme. Nos gens de toge vont s'insurger contre un tel enseignement. Quand on a un monopole, on le défend. Peu importe, l'importance appartient aux citoyens qui ont besoin de lumières sur les conditions de leur vie sociale. Il est fourbe de dire que nul n'est supposé ignorer la loi alors qu'elle n'est enseignée à personne ou presque. Celles et ceux qui veulent un enseignement religieux ou moral pour leurs enfants pourraient toujours mettre sur pied des écoles du dimanche. À leurs frais. Chacun a sa liberté de religion mais la population n'a pas à payer pour.

Pour ma part, j'ai trouvé le moyen le plus parcimonieux de satisfaire mes besoins spirituels. Je crois en un Dieu que je ne connais pas. Entre nous deux, aucun intermédiaire n'existe. Ma religion comporte un Dieu et un croyant. Le coût est inexistant. Le prosélytisme serait contre-productif. Quand on me demande de parler de mon Dieu, je décline. Je ne le connais pas.

Un sage a déjà dit : "Je crois parce que je ne sais pas". Quelle beauté ans cette petite phrase. Elle montre comment la Foi et la connaissance protègent contre l'angoisse existentielle. Quand la Foi est nourrie par dieu ou un autre protecteur, l'âme est sereine et n'a pas besoin de savoir. Quand la Foi n'a pas d'objet, la connaissance travaille et lutte contre le doute. Dans de vieux films américains de mon enfance, on voyait souvent un conflit entre le médecin blanc et non pas le chef mais le sorcier du village. La science du médecin contre la magie du sorcier. Ils auraient dû être alliés. La chimie pour le corps et la magie pour l'âme. Mais la lutte pour le pouvoir fait de meilleurs films. Il y a encore des relents de ces oppositions entre psychologie et psychiatrie.

Je rêve d'une planète laïque où toutes et tous s'occuperaient des besoins spirituels des uns et des autres et ce gratuitement. Dans mon rêve, nous sauvons ainsi assez d'argent pour nourrir l'humanité et l'âme et le corps sont en paix.

Mais, justement, pour arriver à mon rêve, il faut faire la paix dans le monde : contrat ambitieux. Peu importe, en route vers l'utopie.

Au commencement, dans leur paradis terrestre, nos ancêtres étaient nomades. Ils vivaient de chasse, de pêche, de cueillette. Ils suivaient le gibier, les saisons. Un jour, la connaissance du bien et du mal leur vient : la survie était mieux assurée par la possession d'un territoire à exploiter que par le nomadisme. Le sédentarisme était le bien et le nomadisme était le mal. Chez les nomades, la guerre n'existait pas sauf quelques escarmouches fortuites pour la possession de la carcasse d'un mammouth. Mais dès l'apparition de territoires déterminés, ce furent les guerres. Abel était berger, Caïn, laboureur. Deux activités incompatibles chez les sédentaires. L'un tua l'autre : première guerre.

Depuis plus ou moins vingt mille ans, on cultive la terre, on élève des bêtes et on se nourrit de la sorte. La notion de propriété des territoires est incrustée dans notre instinct de conservation, notre survie. Sans territoire, l'angoisse de mort nous saisit. Tentez de prendre un mètre de terrain au voisin. Il sort son fusil. Si vous voulez séparer un pays en deux, vous ne savez pas ce qui vous attend. Toutes les guerres sont faites pour la protection ou la conquête de territoires. On nous parle de colonisation, de libération des opprimés, de croisades, etc... Sous ces belles paroles, il y a d'abord possession de territoires. Plus le territoire est grand, mieux l'instinct de survie est protégé.

Sauf que l'instinct est aveugle. Il ne voit pas que la notion de territoire est périmée. Blé du Canada en Russie, café colombien au Canada, boeuf de l'ouest au Québec, mets chinois à Montréal. La nourriture voyage au-delà des frontières. Nous avons, en fait, les moyens matériels de nourrir la planète. La volonté politique ne suit pas. L'instinct, lui, est irrationnel. Le ne peut être raisonné. Tout au plus, pouvons-nous le rassurer. Il ne fait pas partie de l'âme ni du corps. Il a ses propres règles et ses propres besoins.

La terre est devenue un village global. Chaque pays est une maison. Le village a besoin d'un corps policier en cas de chicane de clôture entre maisons. L'O.N.U. est là mais elle n'a pas de pouvoirs contraignants. Elle ressemble à un département du gouvernement américain. Il faudrait la déménager des U.S.A. en Suisse. De plus, l'impôt à l'O.N.U. n'est pas assez élevé. Grosses taxes pour ces grosses maisons (U.S.A), petites taxes pour les petites maisons (Costa Rica). L'O.N.U. pourrait par exemple, dire d'autorité à Israël et à la Palestine : "Assez c'est assez".

Chacun serait maître dans sa maison mais interdiction de pirater les voisins. Ma naïveté ne vas pas jusqu'à me faire croire que mon utopie est pour demain. Les potentats, rois, premiers ministres, présidents et leurs cours ont des intérêts à défendre. Mais, au risque de passer pour un communiste, je préfère le bien-être de tous à la domination de quelques-uns. Dans ce village global, il y aurait, par nécessité, un hôpital et une prison. Malgré les efforts de toutes et tous pour nourrir la foi, l'espérance et l'amour, il y aura toujours des humains qui souffrirons de méfiance, de doute, de confusion, de désespoir, d'isolement, de haine et d'angoisse. Ces souffrances mènent à la maladie ou à la criminalité. Les maladies physiques nous attaquent aussi de la tête aux pieds. L'humain souffre de la condition humaine. Combattons-là. Nous avons médecins sans frontière, ayons humains sans frontière.

Je termine ici l'exposé de ces quelques idée qui me sont venues de je ne sais où entre chien et loup. Il s'agit d'une esquisse, d'une ébauche. Le développement est à venir.

Je ne sais pas si mon Dieu est content de moi. Je ne le connais pas. Je crois qu'il n'est pas de trop mauvaise humeur.


Serge Charpentier




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