A propos du livre de Richard Dawkins
"Pour en finir avec Dieu"
par J.J. -  18/10/2008
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Newsletter du 13/10/08. les nouvelles de l’observatoire de zététique :
Le site de Richard Dawkins bloqué en Turquie
Par décision de justice, la Turquie a récemment bloqué l’accès au site de Richard Dawkins, suite à ses critiques concernant l'ouvrage L'Atlas de la Création publié par Adnan Oktar, plus connu sous le nom d’Harun Yahya. En 2007 et 2008, cet ouvrage créationniste a été envoyé gracieusement depuis la Turquie dans plusieurs milliers d’établissements scolaires à travers toute l’Europe. Saisie par Harun Yahya, la justice turque a condamné Richard Dawkins pour des propos diffamatoires qu’il aurait tenus sur son site web à l’encontre de l’auteur de l’Atlas de la Création. Si Richard Dawkins a bien souligné la vacuité intellectuelle et l’absurdité de cet ouvrage qui ne peut impressionner que par sa facture, nous n'avons pas pu retrouver les propos diffamatoires incriminés. Son site n’aurait-il pas plutôt été interdit pour des raisons religieuses ?
Avec méthode et patience
Cette réaction des autorités probablement religieuses n’a rien d’étonnant. Je viens de lire le livre de Richard Dawkins, "Pour en finir avec Dieu" et j’ai eu grand plaisir à me plonger dans cet ouvrage. L’auteur, sans hargne, sans ironie, mais avec méthode et patience, et parfois avec humour démolit tranquillement des croyances dénuées de toute vraisemblance et de tout fondement. Il énonce l’idée malheureusement vérifiée que toutes les religions monothéistes, même si elles sont pratiquées au départ par des croyants paisibles et modérés, finissent toujours par générer de dangereux extrémistes. Il faut bien reconnaître en effet que si la plupart des conflits ont avant tout une origine économique, ils sont déclenchés, attisés et entretenus par des prétextes ethniques et ou religieux.
Il se montre également humble et ouvert à toute explication logique, prêt à abandonner ses convictions qui lui semblent scientifiquement justes, si elles se révélaient fausses, suite à de nouvelles découvertes et de nouveaux arguments.
Ce qu’il redoute le plus de ces religions, et les faits lui donnent raison, c’est l’intolérance qu’elles engendrent. Si les croyants se contentaient de croire et ne s’imaginaient pas chargés d’une mission divine leur intimant de propager leur foi, tout irait pour le mieux.
Avant de lire cet ouvrage, je venais de faire quelques observations à propos des croyants et de leur comportement. Il se trouve que j’en étais arrivé aux mêmes conclusions qui sont énoncées dans le livre de Richard Dawkins.
Deux exemples :
Il y a quelques jours j’écoutais un interview du professeur Bernard Debré chercheur et chirurgien émérite, invité à l’émission de France Inter "Le Fou du Roi" pour y présenter son ouvrage : "Dictionnaire Amoureux de la Médecine". Interrogé à ce sujet, il reconnut l’influence néfaste de l’Eglise sur la recherche scientifique et fit cette réflexion " L’Eglise et la science ont couché dans le même lit", déclaration qui peut évidemment se prêter à toutes sortes d’interprétations.
Il s’est également déclaré croyant et catholique bien que, prenant ses distances vis-à-vis des miracles et autres phénomènes paranormaux, nous faisant le coup du croyant affranchi (voir Dawkins qui fait parler les "nouveaux croyants" à peu près dans ces termes: "Ha !Ha !, le Bon Dieu avec sa grande barbe, assis sur les nuages, vous ne pensez quand même pas qu’on y croit ?").
Or les religions ne sont-elles pas fondées sur des révélations prétendues divines et surnaturelles ?
Comme le déclare le professeur René Pommier : "Les chrétiens n’ont peut-être jamais été autant persuadés de la nécessité de croire depuis qu’ils ne savent pas au juste à quoi ils croient. Plus le contenu de leur foi rétrécit, plus ils en concluent qu’il faut redoubler de foi. Ils n’ont plus qu’un seul credo, et s’y cramponnent d’autant plus fort : il faut croire ! "
En effet le professeur Debré n’a pas tenu à révéler en quoi consistent ses croyances.
Ensuite, il a déclaré, et c’est tout à son honneur, ne pas partager les opinions du pape à propos du préservatif et expliqua l’attitude papale par le manque d’expérience sexuelle de l’hôte du Vatican.
Théoriquement, c’est peut-être plausible, mais qu’est ce qu’il en sait ? Proposition gratuite et sans fondement, si j’ose dire.
Et si c’est vrai, pourquoi attribuer une autorité morale à un personnage qui tranche de sujets dont il n’a pas l’expérience ?
Puis nous avons écouté, interprété par la pianiste Shani Diluka une "Romance sans Paroles" de Félix Mendelssohn. Notre bon professeur s’est extasié en s’écriant " Voilà une raison d’être croyant !" et il a évoqué cette soi disant preuve de l’existence de Dieu par l’amour du beau. Malheureusement c’est une preuve qui ne prouve rien, car incroyant notoire, j’ai eu autant de plaisir que le professeur Debré à écouter Mendelshonn. Je suis très sensible à la beauté de la musique (celle que j’aime !), toujours aussi ému à écouter une sonate de Schubert, une cantate de Bach (religieuse ou profane) ou un chant du fin fond du Caucase. Et ça ne prouve rien du tout, sinon que je suis sensible à la musique et que ça me suffit pour donner un sens à la vie. A mon avis il n’y a rien de divin là dedans.
Alors je pose la question : A quoi croit-il le professeur Debré ? Peut-être à rien , mais quand on fait partie de la famille Debré, avec toute l’honorabilité réactionnaire que ce patronyme représente, il n’est évidemment pas question de se déclarer incroyant.
Bertrand Russel dit cela bien mieux que moi :
"L’immense majorité des scientifiques éminents ne croient pas à la religion chrétienne, mais ils s’en cachent en public car ils craignent de perdre leurs revenus."
Alors de deux choses l’une, ou bien le professeur Debré est vraiment croyant et c’est aberrant qu’un homme de science de cette valeur puisse soutenir une forme de pensées aussi archaïque et irrationnelle, ou bien il fait semblant et c’est tout à fait regrettable que les conventions sociales et le qu’en dira-t-on l’amènent à une démarche aussi hypocrite.
Deuxième grande idée
Richard Dawkins évoque le désespoir des croyants à la perte d’un être cher. Or, si l’on se réfère à leurs théories, la mort c’est le passage à la vie et la félicité éternelle, voire la parousie. Donc il devrait y avoir tout lieu de se réjouir au contraire du départ d’une personne que l’on aime ou que l’on apprécie, surtout si elle souffre, vers un monde que certains imaginent justement meilleur. Paradoxalement, les croyants sont le plus souvent opposés à l’euthanasie, qui permettrait d’abréger les souffrances d’un mourant et lui permettrait de gagner plus vite la félicité promise.
Cette attitude est vraiment contradictoire et irrationnelle (une fois de plus…) alors que les incroyants, qui pensent qu’à leur mort ils seront engloutis dans le néant ont souvent une attitude plus détachées : profitons avec mesure de notre existence et si possible avec joie, nous savons que ça ne durera pas.
Evidemment, Richard Dawkins exprime bien mieux que moi ces pensées. On dit que les grands esprits se rencontrent, mais les petits peuvent également parfois rencontrer les grands et pour eux c’est une grande satisfaction.
Je ne saurais trop recommander la lecture de cet ouvrage, non seulement pour la qualité des idées exprimées mais également par la sérénité qui s’en dégage.