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Bush vs Darwin


par Goran Tufegdzic  -  13/10/2005




Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.



        Ce texte est une synthèse vulgarisée du néodarwinisme ou écologie comportementale ou psychologie évolutionniste à la pointe des recherches anglo-saxonnes.
        La théorie de l'évolution + la biologie + la génétique + les sciences humaines = un paradigme montrant que les déterminants biologiques des comportements, des croyances et de la foi priment sur la culture, mais non sur la raison.


Bush vs Darwin


Notre genre humain, on le sait, se définit par sa nature, par sa rationalité, et par sa culture. A tout moment, la nature animale et simiesque se manifeste presque toujours de manière inconsciente. Elle est antérieure à la conscience. Depuis les origines, elle a permis la survie dans un environnement ancestral lequel a sélectionné nos aspects physiques ainsi que nos comportements, pour schématiser beaucoup le néodarwinisme. Les comportements inadéquats au regard de la survie n’ont simplement pu se transmettre au fil des générations, et se sont vus éliminés d’un monde à la fois astreignant et contingent.

La loi de la jungle a réellement été une période sans pitié et non un Eden. La vie se compose de gènes qui se répliquent et se multiplient, qui évoluent et s’adaptent au milieu ambiant via la sélection naturelle. Les déterminismes génétiques opèrent à notre niveau et ce qui, entre autres phénotypes étendus, nous dirige encore, comme n’importe quel animal doté de paléo-cortex, se dénomme le levier affectif. En effet, les instincts, puis les émotions de plus en plus évoluées déclenchent dans le règne animal des algorithmes comportementaux. La gamme des émotions humaines (colère, tristesse, peur, dégoût, surprise, gaieté, etc.) se révèle être une propriété commune, universelle et utile, acquise au cours de l’évolution dans une logique adaptative. Elle motive nos actions de façon efficace et sophistiquée.

Ces sentiments anciens qui nous guident et nous animent méritent d’être revisités pour décoder, si faire se peut, les motivations sous-jacentes. En d’autres termes, si la culture disparaissait l’espace d’une génération ou d’une catastrophe, que resterait-il ? Sans doute, les lois naturelles dont les règles sont fixées dans nos cerveaux pour maximiser nos chances de survie et notre héritage génétique. En tant que vestiges de millions d’années d’évolution dans un environnement ancestral bien différent, nous illustrons des archives qui ne plaisent guère à l’entendement, en général.

Au travers des âges, les aptitudes à survivre ont sélectionné notre espèce. Nous les survivants sommes équipés pour la vie en hiérarchie, contrairement aux exclus qui n’usaient pas de moyens tels que le machiavélisme, le cynisme, les manœuvres, stratagèmes, ruses et autres artifices. Nous sommes les fiers compétiteurs au quotidien dans une structure hiérarchique. « L’histoire de l’humanité, c’est l’histoire de la lutte pour le statut social », si l’on n’appartient pas à telle élite ou à telle autre, les élites elles perdurent néanmoins partout. En clair, sans compétition pas de survie. Le génome lui-même s’avérant un véritable champ de bataille. L’enjeu du combat au sein de l’espèce s’exprime en statut, souvent au travers de ressources, dans le but premier de répandre ses propres gènes tout en leurs assurant les meilleures conditions de prolifération.

« Je manipule donc j’existe ». Quand il s’agit de se reproduire, il s’agit de maximiser l’égoïsme inhérent, la capacité innée à mentir et à se mentir, à intriguer, à faire des alliances, à lutter, à éliminer les ennemis, à voler, à tricher, à duper, à impressionner, à rechercher gloire, notoriété, pouvoir et statut social. Prestige, rivalités, lutte pour le pouvoir, le goût des titres et des rituels, y compris dans les sphères religieuses, déférence, allégeance et revirements, nos comportements d’apaisement ou d’intimidation des inférieurs hiérarchiques, de se jauger instinctivement, etc., reflètent des affects concrets, terre-à-terre, qui nous outillent et dont on ne se vante pas, bref les armes d’une course incessante entre trahison et méfiance.

L’égoïsme s’exprime parfois de façon sournoise, doucereuse, indiscernable ou authentique car croire à son propre mensonge revient à mieux leurrer autrui. Le sens de l’orgueil, de la préservation de l’estime de soi, de la vexation, des atteintes à son image, le désir de se sentir apprécié, important voire omnipotent, le désir de reconnaissance sociale et de toutes les gratifications qui rehaussent la confiance en soi relèvent de besoins essentiels confortants et réconfortants pour le statut.

Nous pensons être toujours dans notre bon droit et nous nous justifions toujours « les masses ont tort et les individus toujours raison ». Cet auto-aveuglement devient vite hors proportions. Nous nous jugeons selon des critères différents de ceux qu’on applique aux autres, et nous tendons à être injustes et inégalitaires dans nos amitiés comme dans nos relations. Par exemple, la considération de statuts plus élevés nous appert comme plus précieuse.

Malheureusement nous ne parlons pas que de nous lorsqu’on désigne nos caractéristiques, les chimpanzés les détiennent plus ou moins quand il s’agit d’être obséquieux, crâneurs, déloyaux, revanchards, fins politiciens, ou en matière de liaisons dangereuses (contrôle de l’accès aux femelles). Puisque la dépendance aux valorisations et à l’estime sociale nous module, le fait de séduire, d’épater et d’être populaire augmente en nous la quantité de certains neurotransmetteurs euphorisants. Les gagnants se sentent fiers et ont davantage confiance en soi. La manipulation fait le bonheur individuel. Les perdants du statut social dénotent moins de sérotonine, plus de cortisol, plus de maladies, de psychopathologies, de dépression, d’anxiété, de jalousie, etc.

Dans les aléas de la naissance et de la destinée, la plasticité de la dominance, innée au départ, peut inverser socialement les statuts dominants-dominés. Les individus poursuivent leurs intérêts personnels suivant un égoïsme inconditionnel, le reste n’étant qu’illusions. La persuasion demeure l’outil de combat privilégié, comme si nous étions destinés à la quête du bonheur plutôt qu’à jouir d’un long bonheur continu. L’éloquence surpasse les faits trop souvent, et les discours même spirituels et religieux trouvent leur motivation dans la reconnaissance sociale et la lutte pour le pouvoir.

Ainsi tout discours et tout discours moral s’avère suspicieux. Les motifs sont suspicieux du fait que l’intérêt individuel consiste à s’auto-promouvoir et à se justifier, plutôt qu’à tomber en disgrâce pathétique. L’objectivité humaine ne peut jamais être entière, et la vérité ne reste que théorique. La course à la manipulation et aux armements issue de la sélection naturelle a fourni les mesures corollaires de détection d’imposture et de publicité mensongère. Elle nous confère par exemple une dose de scepticisme, le sens de l’indignation, et une forte intuition. Nous ne gobons pas tout.

Ayant besoin des autres pour notre bénéfice, pour se mettre en valeur d’une part, pour un gain génétique d’autre part, préférant ses propres enfants à ceux d’autrui, notre avantage passe par un certain degré de coopération réciproque. Nos gènes nous font développer la coopération tel un castor des barrages. L’altruisme, strictement corrélé à la gradation de parentèle, s’est étendu aux liens sociaux et aux liens d’amitié mais uniquement sous forme de considération mutuelle et d’altruisme réciproque. Service pour service, tu m’aides je t’aide, je ne triche pas et tu ne triches pas, je t’épouille et tu m’épouilles, etc. Ces actions ont diminué les coûts associés à une vigilance constante et apporté une plus-value.

La gratitude équivaut à une reconnaissance de dettes. A un niveau plus large, la coopération englobe le commerce du commérage, le commerce des biens, la répartition du travail, etc. L’on s’y adonne tant qu’on y est gagnant, si la corruption devient plus payante alors cette dernière stratégie se généralise. Ni une société de colombes seules ni une société de faucons seuls ne survivent longtemps. Trop de dominants ou d’individualistes ensemble, ou l’idéalisme de jeunesse réfractaire à l’ambition, ou les rebelles des hiérarchies ne fonctionnent longtemps. Par contre, user de tactiques de soumission telles qu’une gentillesse avérée et apparente, voire la peur anxieuse de ne pas être apprécié peuvent contribuer à gravir la hiérarchie sociale. La foi s’inscrit à propos dans un cadre de sécurisation, soumission, conformisme, sentiment d’utilité, valorisation, renforcement de l’ego, auto motivation, auto-justification, etc.

Les hommes se tiennent volontiers ensemble, histoire de statut à préserver. Les schèmes mentaux diffèrent encore entre hommes et femmes. Le pire temps arrive lorsque des coalitions d’amis visant à soutenir leurs statuts dégénèrent en réseaux d’auto-aveuglement collectif et en violents conflits génocidaires. Altruisme et solidarité ne sont que des tactiques et des stratégies utilisées sur une base de réciprocité pour bénéficier d’avantages mutuels. L’amitié sans intérêt ni contrepartie ne fait pas partie du répertoire des comportements humains.

L’ultime enjeu du programme naturel, la résultante de la course sans fin au pouvoir, ce que chacun convoite, doit à terme être nommément la transmission maximale de ses gènes. De quoi les hommes rêvent-ils ? Normalement chez les humains la polygynie prédomine, les femmes ne sont pas exclusivement monogames et les pères s’occupent en général des enfants.

La sélection sexuelle signifie un investissement plus important de la femme, car elle ne peut pas avoir plus d’un enfant par année pendant une période d’environ vingt-cinq ans de fertilité. Son potentiel de reproduction est plus précieux. Donc, elle doit choisir avec soin le géniteur (de bons gènes séducteurs et/ou un investissement parental élevé du père par l’engagement et/ou le statut, etc.). Elle se doit d’afficher une certaine inaccessibilité pour élever sa valeur, la légèreté de mœurs n’attire pas les bons candidats. Les choix féminins ont sélectionné la nature masculine et vice-versa. Concrètement, on voit peu de belles femmes riches marier des hommes pauvres, ou pauvres et malades.

Les hommes se basent sur des indices de fertilité tels que l’aspect et la jeunesse, d’où le penchant fréquent pour l’aspect pubère féminin. Nos gènes nous poussent à la sexualité afin de se répliquer, et vont jusqu’à faire rivaliser les systèmes reproducteurs (e.g la compétition spermatique). L’étiologie de la dimension naturelle s’avère complexe à valider car elle prête flanc aux inférences et aux interprétations faute d’expérimentations suffisantes.

En fin de compte, les valeurs naturelles érigées en modèle à suivre représentent un égarement par ignorance, et un cautionnement du diktat génétique et de la loi de la jungle. La faculté de raisonner par contre peut s’exercer de manière indépendante et autonome. Elle relève de l’objectivité et d’un libre arbitre, dans la mesure où il demeure possible de s’extraire par la pensée de l’égoïsme, d’appliquer des raisonnements logiques à la résolution de problèmes, ou de réfléchir sur soi. Alors le bon sens rationnel prime, en théorie du moins, sur les intérêts personnels tant que la réflexion réside dans la sphère du progrès général ou du bien commun.

Les multiples habiletés cognitives et méta cognitives et les formidables processus générés par le néo-cortex font des humains des êtres uniques, aptes à interagir dans un cadre où la plupart des gens sont gagnants, aptes à instaurer ce cadre, aptes à faire preuve de malléabilité pour pouvoir intégrer les modèles sociaux et intérioriser les valeurs nécessaires (faire des compromis, se contrôler, généraliser le sens de la culpabilité, etc.). La raison a donné naissance aux technologies, aux sciences, et a initié l’amélioration des conditions d’existence. Seule cette aptitude peut contrecarrer la nature et façonner l’auto-domestication des humains. Elle a permis l’avènement des civilisations et les progrès de l’humanité.

Son origine reste spéculative, car l’accroissement récent du cerveau pourrait n’être qu’une résultante aléatoire de l’évolution. Une fois qu’une orientation ou qu’une mutation, parmi une multitude d’essais-erreurs, fonctionne comme solution ou comme arme dans un environnement contraignant, la tendance peut alors se renforcer par son succès adaptatif et reproductif croissant (comme le fonctionnement d’un rochet). Ce pas n’a cependant jamais été franchi par nos cousins primates, ni autant par les autres hominidés. Si la vie appert comme un processus inévitable, l’intelligence appert comme un processus improbable. Les cultures reflètent les interactions de la nature, instincts et émotions, avec la raison.

Un certain déterminisme culturel fonctionne à divers degrés. L’apprentissage et la socialisation se montrent parfois efficaces. A tout le moins, les lois et coutumes encadrent et codifient les comportements. L’éducation n’est pas un outil omnipotent, mais représente néanmoins le seul instrument performant pour construire les avancées sociétales. Trop de questions restent ouvertes cependant et la culture une notion excessivement controversée compte tenu de sa diversité, qui s’étend selon l’endroit de l’égoïsme démesuré à l’aliénation dans tous les sens du terme. N’importe quelle idée vraie ou fausse fait ses adeptes et peut desservir les gens.

A chaque recul des valeurs humanistes et raisonnables, les valeurs ancestrales et égoïstes reviennent au galop. A ce jeu, la complexité des variations semble très vaste et les frontières deviennent floues. A ce jeu, les stratégies adoptées deviennent plastiques, multiples et adaptées aux circonstances du moment.

Au jeu de la vie, le meilleur et le pire se côtoient et rien n’est absolu… Surtout pas notre pérennité.

Ni les bréviaires de M. Bush.


Goran Tufegdzic - 13/10/05


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