Athéisme : l'homme debout. Vivre sans Dieu et sans religion  >  Vos contributions    > Athées, avant de vous marier...


Athées, avant de vous marier à l'église
ou de faire baptiser vos enfants :

tournez sept fois vos neurones dans votre cerveau !


par Jean-François Moizan  -  27/11/2011




Les textes publiés dans Vos contributions (rouge foncé) ne représentent que l'opinion de leurs auteurs.




Athées, avant de vous marier à l'église ou de faire baptiser vos enfants : tournez sept fois vos neurones dans votre cerveau !

Vous êtes athée, et votre compagnon ou compagne vous "incite aimablement" à un mariage religieux, ou au baptême des enfants ? Réfléchissez bien ! J'ai moi-même été confronté à la question et... j'ai pris la mauvaise décision.

Pour vous aider à y voir plus clair et à vous décider en toute connaissance de cause ; ou tout simplement, si votre décision est déjà prise, pour vous aider à l'argumenter, je vous invite à lire ce qui suit. Il s'agit du courrier que j'ai (20 ans après les faits !) adressé à toutes les personnes qui étaient présentes à mon mariage religieux et au baptême de mes enfants.






Bonjour,

Ce courrier est adressé à toutes les personnes ayant assisté à mon mariage religieux avec [...] et/ou au baptême de mes fils [...]. Ce texte sera également mis en ligne sur http://citrunch.over-blog.com.

Il s'agit de faire une mise au point personnelle concernant ma participation à ces cérémonies.

Les personnes qui étaient présentes ont pu penser, très légitimement, que j'ai approuvé et cautionné tout ce qui s'est dit.

Or, étant athée, les croyances en jeu dans ces cérémonies sont en opposition totale avec mes convictions. Je tiens donc à apporter un démenti formel et à déclarer, fortement et publiquement, que je n'approuve et ne cautionne rien de ce qui s'est dit dans ces cérémonies, qui est pour moi sans aucune valeur.
Dans mon esprit, cette déclaration annule purement et simplement tout ce que je considère avoir pu approuver et cautionner pendant ces cérémonies[1].

Ma participation à ces cérémonies aura été la plus grande erreur de ma vie. Il n'y avait aucune raison valable pour que je m'y soumette, et je regrette amèrement, encore aujourd'hui, d'avoir été si inconscient et si influençable à ce sujet.

Je vais développer ci-dessous pourquoi, d'une façon générale, je pense que pour un individu ne partageant pas ces croyances, il n'y a aucune raison valable de se soumettre à ce type de cérémonies, et en quoi cette insoumission est absolument non-négociable.


Raisons générales

Dans le cas du mariage comme dans le cas du baptême, il faut d'abord considérer qu'une cérémonie religieuse est tout sauf neutre, même pour un athée. Un argument est souvent employé : "Puisqu'une cérémonie religieuse ne signifie rien pour toi, qu'est-ce que ça peut bien te faire qu'on la fasse ?".
Cet argument est totalement fallacieux, ce pour la raison très simple évoquée plus haut : la participation publique active à une cérémonie, vaut approbation de son contenu ! En approuvant publiquement quelque chose tout en étant convaincu du contraire, on se renie soi-même, on nie son libre-arbitre et son existence d'être pensant, on n'est plus une personne, on se rabaisse au rang d'objet et on perd sa dignité. Cela évoque les fameux procès staliniens, où on obligeait les "ennemis objectifs du régime" à raconter n'importe quoi[2].

Vouloir exiger de l'autre une cérémonie religieuse contraire à ses convictions intimes, c'est le traiter comme un objet pour satisfaire égoïstement ses propres désirs, et c'est une atteinte fondamentale à sa dignité. Pour cette simple raison, toute cérémonie religieuse ne devrait se faire qu'au strict volontariat, par consentement mutuel. On ne peut pas renoncer à sa dignité par amour. Les arguments du style "Si tu m'aimes, alors fais-le pour moi" ne sont qu'un odieux chantage. L'amour ne devrait jamais être utilisé comme faux argument pour manipuler l'autre et l'amener à renoncer à sa dignité.

Si la personne qui souhaite une cérémonie religieuse trouve cela si insupportable (suite à un refus légitime) de devoir y renoncer, alors on peut se poser des questions : quelle est cette drogue mentale qui la rend malheureuse au point qu'elle ne puisse pas supporter que les choses ne se fassent pas exactement comme elle le voudrait ? Est-ce que ses croyances ne sont pas une prison qui la rend intolérante ?


Raisons complémentaires spécifiques au mariage

Imposer (par quelque moyen que ce soit : suggestion, arguments fallacieux, pleurnicheries, chantage,.) un mariage religieux, c'est faire un mariage forcé. Pourquoi tolérerait-on pour un mariage religieux ce qu'on ne tolérerait pas pour un mariage civil ? Pourquoi se passerait-on du consentement mutuel pour un mariage religieux, tandis qu'on se l'impose pour un mariage civil ?

Commencer une vie commune en imposant à l'autre un mariage religieux, ça veut dire qu'il y a de la part de l'un, dès le départ, volonté de dominer l'autre, et c'est bien mal augurer de l'harmonie et de l'équilibre futur au sein du couple.

Pour les athées qui me lisent, qui sont sur le point de faire un mariage religieux, et qui se disent qu'un mariage religieux n'est finalement qu'un peu de folklore, anodin et sans conséquences, réfléchissez quand même un instant et projetez-vous dans la cérémonie.
Vous serez dans un cadre solennel, avec une charge émotive importante, et les paroles qui s'adresseront à vous prendront un tout autre relief qu'en d'autres circonstances. À un moment, devant tous les invités, vous aurez à répondre à une question dont le sens, en final, sera "Voulez-vous vous marier devant Dieu ?".
Si vous répondez "oui", alors vous reconnaissez de fait, publiquement, l'existence de Dieu. Eh oui, c'est notamment ça la valeur ajoutée du mariage religieux, puisqu'un mariage religieux n'unit jamais. que des personnes déjà mariées !
C'est bien ça que vous voulez ? C'est bien cette image que vous voulez que l'on retienne de vous ? Si ce n'est pas ça que vous voulez, alors soyez vous-même, ayez le courage de ne pas entrer dans ce jeu. Il n'est jamais trop tard pour dire non et revenir sur votre promesse, même pendant la cérémonie religieuse[3] ! Ça fera un peu désordre et ça plombera un peu l'ambiance sur le moment, mais ça pourra parfaitement s'expliquer après. Il ne faut jamais renoncer à sa dignité.


Raisons complémentaires spécifiques au baptême

Je traite ici uniquement du cas (le plus courant) où deux parents font baptiser leur bébé.

L'argument du "consentement mutuel" s'applique naturellement à chacun des deux parents : il ne peut être question pour l'un des parents de faire baptiser leur bébé, sans que l'autre parent soit d'accord (sinon, on l'obligerait à cautionner publiquement qu'il approuve le baptême et tout ce qui va avec, donc à se renier, etc.).

D'autres arguments devraient amener des réticences encore plus fortes au baptême d'un bébé.

Faire baptiser un bébé, c'est également le traiter en objet. Nous ne sommes plus dans une société traditionnelle où tout le monde est dans le même moule. Nous sommes dans une société ouverte et multiculturelle, où cohabitent l'athéisme et plusieurs religions, et où les progrès de la connaissance incitent à remettre en cause certains dogmes rabâchés depuis des siècles. À part quelques fanatiques, beaucoup de personnes ont maintenant conscience de la valeur toute relative des croyances en jeu dans leur religion. Dans ce type de société, de quel droit des parents devraient-ils décider de la religion de leur enfant ? Et même s'ils se contentent de le baptiser, sans leur donner d'éducation religieuse, pourquoi alors vouloir leur coller une étiquette[4] ?

Un enfant devrait être considéré comme un adulte en puissance, pas comme un objet destiné à assouvir les désirs de ses parents. Sa religion, ça devrait être son choix éclairé, pas celui de ses parents. Le droit de vote, et d'autres droits, ne sont accordés qu'à l'âge de la majorité ; un métier n'est généralement choisi que vers le fin de l'adolescence ; pourquoi des parents imposeraient-ils une religion à un enfant qui n'est pas, par ailleurs, considéré comme suffisamment mature pour aller voter ou se choisir un métier ? Il est d'ailleurs tristement ironique de constater que les premiers à s'opposer à l'avortement au motif qu'un foetus est déjà une personne, sont ensuite également les premiers à rabaisser cette personne au rang d'objet une fois qu'elle est née, en la faisant baptiser.

Je serais curieux de savoir ce que deviendraient les effectifs d'une religion si, contrairement aux pratiques actuelles, les parents attendaient la maturité de leurs enfants pour leur laisser prendre (ou pas) une religion. Est-ce que la foi leur apparaîtrait si évidente ? Sans faire l'expérience, je crois deviner la réponse, et par conséquent je ne m'attends pas à ce que les pratiques évoluent de sitôt. Toute religion, pour survivre, doit perpétuellement renouveler son stock de fidèles pour compenser les décès ; le moyen le plus sûr et le plus largement utilisé, consiste à cibler massivement les plus vulnérables : les enfants immatures. Les fabricants de cigarettes font d'ailleurs à peu près la même chose. Une religion qui n'a pas de stratégie de conquête efficace, quelle qu'elle soit, ne peut pas survivre.

Je présente mes excuses à [...] pour les avoir fait baptiser. Qu'ils sachent qu'il leur est facile, s'ils le souhaitent et comme je l'ai fait moi-même, d'"apostasier", c'est-à-dire de renier son baptême auprès de l'Église. Au terme de cette procédure, l'acte de baptême porte une mention marginale de renoncement au baptême, et la personne en reçoit une copie.


En conclusion : vive la liberté !

Je voudrais maintenant m'adresser à ceux qui ressentent négativement le fait que je n'ai pas assisté, dans le passé, à certaines cérémonies religieuses. Et que je n'assisterai plus, je vous l'annonce, à aucune dans le futur, sans exception.

Que vous le vouliez ou non, nous vivons dans un pays qui reconnaît la liberté et la pluralité de pensée, d'expression, de culte,. tant que ça n'enfreint pas la loi. Je ne me mêle en aucune façon de votre foi à vous, vous être totalement libre de penser et de faire ce que vous voulez, et je ne vous reprocherai jamais d'aller à la messe si le coeur vous en dit. J'entends bien que la réciproque soit vraie, et que vous me laissiez ne pas aller à la messe si je n'ai pas envie d'y aller, sans me montrer du doigt ni me reprocher à demi-mots d'être un salaud. Ce n'est pas parce qu'un proche ou un ami décède et que je ne vais pas à sa messe d'enterrement que je suis un salaud, ou que je ne ressens pas de tristesse, ou que je ne compatis pas avec les survivants. Contrairement à l'impression de certains (qui prennent leur cas pour une généralité ?), une messe d'enterrement n'est pas une cérémonie qui s'adresse à tout le monde. C'est une cérémonie faite par des croyants pour des croyants, c'est une cérémonie qui suppose l'existence de Dieu, et qui est notamment destinée à marquer (pour ceux qui y croient) le passage dans l'au-delà de l'être dont l'existence terrestre s'est arrêtée. Si je ne crois pas à tout ça, alors ça n'a pas de sens que je participe à cette cérémonie, et personne ne devrait me reprocher de me comporter conformément à mes convictions. De temps en temps, penser au sens de ses actes, et être cohérent avec soi-même, c'est bien aussi. Et ce que j'écris pour les enterrements se généralise également aux mariages, baptêmes,.

Je ne vois pas bien de cérémonie "universelle" qui pourrait exister, qui s'adresse vraiment à tous. On ne peut pas dire en une seule cérémonie une chose et son contraire : que Dieu existe et qu'il n'existe pas, qu'il y a quelque chose après la mort et qu'il n'y a rien,... Ou alors on s'en tient au minimum consensuel : "Machin est mort, nous sommes bien tristes parce que nous l'aimions bien" ? Peut-être un peu court pour certains ?

Un dernier argument que j'ai trop souvent entendu : "Pour une fois, tu pourrais quand même faire un effort". Oui, bien sûr. Pour une fois (disons tous les 5 ans, voyez je suis sympa), faites donc quand même vous aussi l'effort suivant : juste avant le second tour de l'élection présidentielle, allez à un meeting électoral du parti du bord opposé au vôtre, écoutez bien ce qui se dit, et applaudissez avec les autres. Et pour faire bonne mesure, faites-vous photographier ou filmer pendant le meeting, et diffusez les images à vos amis et collègues. Vous verrez, c'est très facile. de faire quelque chose de contraire à ses convictions.

Dans une société libre et plurielle comme la nôtre, les croyances, c'est une affaire strictement individuelle, privée, intime et personnelle et ça doit le rester ; personne ne devrait s'en servir pour créer d'obligation aux autres.


Jean-François Moizan





Notes :
  1. Sur le cas du mariage, je considère comme secondaire que la religion catholique ne prévoit pas une sorte de "divorce religieux". De toute façon, je ne reconnais pas le mariage religieux, et je n'ai pas absolument besoin d'obtenir l'annulation formelle de quelque chose qui n'a pas de sens pour moi (bien que je préfèrerais quand même que ça puisse se faire, parce que ça aurait une portée plus générale que cette déclaration).
    Je veux simplement, par ce courrier, signifier à un public aussi large que possible, que contrairement à ce que j'ai malheureusement pu laisser croire, je n'accorde aucune valeur à ces bouts de papier.

  2. Voir "Histoire du totalitarisme" de Hannah Arendt.

  3. Pour plus d'explications sur les pièges que l'on se tend à soi-même en voulant rester cohérent avec ses engagements initiaux, voir "Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens" de Beauvois et Joule.

  4. Pour ne parler que de l'enseignement religieux, bien entendu tout n'est pas négatif dedans. Je pense à certaines valeurs, disons "humaines" pour faire court, qui font partie de cet enseignement. Ces valeurs ne sont d'ailleurs pas spécifiques aux religions, elles sont universelles et préexistantes aux religions. Voir par exemple "Et l'homme créa les dieux" de Pascal Boyer, ou encore "Moral minds : the nature of right and wrong" de Marc D. Hauser. Aucune religion ne peut prétendre s'approprier ces valeurs, et nul besoin d'enseignement religieux pour les enseigner. Ce qui est par contre spécifique à l'enseignement religieux, c'est le fait de faire croire à des "vérités révélées" immuables, et autres phénomènes surnaturels.
    Or, accepter de croire sans preuve, voire même contre l'évidence, c'est renoncer à l'usage de la raison. Je ne pense pas que le renoncement à la raison prépare bien les futures générations à affronter les défis qui se présentent à l'humanité. Je pense qu'il est préférable d'être capable de discernement et de jugement critique, et d'être capable de remettre en cause, si nécessaire, les vérités d'aujourd'hui.
    Ceci n'est qu'une opinion, et je n'ai pas d'arguments très étayés à verser à l'appui de cette thèse, si ce n'est éventuellement la série d'études citées par Richard Dawkins ("Pour en finir avec Dieu", pp. 109-110 de la première édition française) qui montre, chez les scientifiques américains, une corrélation inverse entre leur croyance en un Dieu et la reconnaissance de leurs travaux par leurs pairs.


Voir les pages d'accueil sur l'athéisme et sur l'Eglise catholique



Athéisme : l'homme debout. Vivre sans Dieu et sans religion   Vos contributions    Haut de page    Contactcontact   Copyright ©